L’une n’a pas vu ses crédits renouvelés, l’autre a renoncé à poursuivre sa mission. Dounia Bouzar et Sonia Imloul, ou l’échec de la déradicalisation.
Elles sont parties, mais il reste difficile de savoir quelle mission elles ont accomplie. Dounia Bouzar et Sonia Imloul, les deux grandes prêtresses de la déradicalisation, ont mis la clé sous la porte. C’était pourtant vers leurs structures, le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI) pour la première, la Maison de prévention pour les familles (MPF) pour la seconde, que dirigeait le numéro vert mis en place par le ministère de l’Intérieur pour signaler un proche radicalisé. Le préfet Pierre N’Gahane, patron du Comité interministériel de prévention de la délinquance, en avait fait les deux figures de proue, très médiatisées, d’un combat que personne n’était en mesure de mener.
L’étaient-elles vraiment elles-mêmes, ou ont-elles bénéficié du vide aussi bien théorique que pratique sur le sujet ? En tout cas, leurs méthodes, radicalement différentes, ont laissé sceptiques nombre d’observateurs. Sonia Imloul, partisane d’une approche « cultuelle », faisait appel à des salafistes dits « quiétistes » pour remettre les jeunes dans le droit chemin. Dounia Bouzar, elle, assimilait la radicalisation à un phénomène d’emprise sectaire, opérée à plus de 90 % sur Internet, et demandait aux familles de faire remonter les souvenirs d’enfance (« La technique de la madeleine de Proust »).
Outre ces différences de méthode, ce sont surtout l’opacité de la gestion des deux structures et les difficultés d’estimation tangible des résultats qui posent problème. Sénatrice centriste de l’Orne et présidente de la commission d’enquête sur les réseaux djihadistes, Nathalie Goulet s’étonne de l’absence d’évaluation de ces missions : « Il n’y a rien, pas de chiffres, pas de noms. Quand Mme Bouzar, contre laquelle je n’ai rien personnellement, annonce qu’elle a permis d’éviter 400 départs, quel moyen a-t-on de vérifier ce qu’elle avance ? Avec les 600 000 € de budget alloués à sa structure, il serait logique que l’on puisse le faire ! »
Pour Sonia Imloul, l’affaire est entendue depuis le mois de novembre : créée en septembre 2014, la MPF n’a pas vu ses crédits renouvelés. En l’absence de résultats tangibles autres que ceux annoncés par l’intéressée (qui avait touché 35 000 € de subvention et recevait les familles dans un appartement d’Aulnay-sous-Bois), invérifiables, le gouvernement n’a pas renouvelé son contrat.
Quant à Dounia Bouzar, elle a annoncé qu’elle renonçait à poursuivre sa mission pour « protester contre la déchéance de nationalité ». Au même moment, Nathalie Goulet demandait à la mission « sécurité » de la commission des Finances du Sénat de mener un audit de l’utilisation des fonds attribués aux différentes structures de lutte contre la radicalisation.
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