La réforme du code du travail menée par Myriam et Khomri sous la direction de l’Elysée et de Matignon signe leur complète défausse sur les partenaires sociaux.
Candidat en 2012, François Hollande se voulait l’homme du changement. Le président qui saurait protéger les salariés contre les appétits financiers. Redonner une dignité aux précaires malmenés par la mondialisation. Quatre ans plus tard, le Président et son premier ministre Manuel Valls, en échec sur le front de l’emploi, soumettront fin mars aux députés de gauche comme de droite (le cas échéant en usant de la question de confiance du 49.3) une réforme du code du travail qui signe… leur complète défausse sur les partenaires sociaux.
A l’avenir, ce sont en effet les syndicats qui devront batailler dans chaque entreprise pour défendre, adapter, préserver « leur » modèle social. Echelon de négociation auquel ils sont le plus soumis à des chantages à l’emploi. Ecartelés entre professions, catégories sociales, quand les intérêts des cols blancs (les administratifs) ne sont pas en ligne avec ceux des ouvriers des agents de production. Alors que jusqu’ici, CFDT, CGT FO UNSA Solidaires négociaient prioritairement de larges conventions au niveau des branches professionnelles qui tiraient tout le monde vers le progrès social. Parce qu’elles étaient ensuite étendues par arrêté, par le ministère du travail, à toutes les entreprises d’un secteur. Une exception française que nous enviaient bien des Européens !
Des 35 heures travaillées… aux 35 heures de repos hebdomadaire !
Pourquoi ce grand retournement ? Plus que telle ou telle mesure flinguée, applaudie ici ou là en boucle ( à lire ci-dessous le texte transmis au Conseil d’Etat qui va évoluer jusqu’à la fin mars), le projet de loi « El Khomri » signe un renoncement politique. Traumatisé en début de quinquennat par des fermetures d’usines sous-investies en cascades, la faillite de filières, des restructurations incessantes de grands groupes (Arcelor à Florange du temps de Jean-Marc Ayrault, Sanofi plus récemment), l’exécutif a cru d’abord pouvoir reprendre la main et créer des emplois en proposant au patronat le pacte de CICE, 40 milliards de baisses de charges.
Mais comme cet effort considérable des Français en faveur des entreprises ne donne guère de résultat sur le front du chômage, l’Elysée et Matignon estiment n’avoir plus aucune prise sur ces multinationales, ces ETI en quête constante de compétitivité mondiale, de bénéfices. Jugent illusoire toute volonté de leur mettre des bâtons dans les roues législatifs, au prétexte qu’ils engrangent des bénéfices records sur le territoire ou dans le pays européen voisin. Mieux vaut leur permettre de pouvoir se séparer de ceux qui ne se plieront pas aux nouvelles donnes, par licenciement simple. Et araser toutes les spécificités du droit français pour laisser les chefs d’entreprises, comme le réclame Pierre Gattaz le président du Medef, « s’arranger tout seuls avec leurs salariés », en paraphant soit des accords majoritaires, soit des négociations d’organisations représentant seulement 30% des salariés, confortées par référendum. Une évolution envisagée par la CFDT.
Un grand retournement à l’aveugle
Rue de Grenelle bien sûr, on tente de minimiser les risques de cet abandon de la « hiérarchie des normes ». On martèle par exemple que le taux de majoration à 10% de la loi des heures sup’, au lieu des 25% négociés par les branches, est déjà légalement applicable dans les entreprises où les partenaires sociaux y consentent. Comme l’allongement du temps de travail quotidien à 12 heures, la durée du travail hebdomadaire à 44 heures sur 12 semaines, 60 heures lors de pics exceptionnels. Que le morcellement du temps de repos – 11 heures minimum – peut être fractionné pour les salariés au forfait jour. Que les baisses chiffre d’affaires (deux trimestres), de bénéfices (un trimestre) qui devront inciter les juges caractériser des plans sociaux comme des licenciements « économiques », sont des valeurs extraites de la jurisprudence des tribunaux. Qu’accorder au PME le droit d’embaucher également sous ce statut de nouvelles recrues, va débloquer leur envie de grossir leurs équipes. Tous ceux qui ne se plieront pas aux nouvelles règles seront poussés dehors sans accompagnement de reclassement ! Et la mise en avant de ces bornes minima va avoir des effets sur les seuils d’engagement des discussions !
Mais la ministre Myriam El Khomri ne fournira pas avant le milieu de semaine prochaine le rapport d’impact de son texte ; comme les hypothèses qui fondent son contenu. C’est dire si on reste dans le bleu ! Et quand c’est flou, y a un loup, disait une certaine Martine Aubry à l’origine des 35 heures. D’ailleurs bientôt les seules 35 heures que les Français pratiqueront encore seront… les 35 heures minimum de repos hebdomadaires mentionnées dans le projet El Khomri. D’une ministre à l’autre, sacré retournement…
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