Des députés LR qui se frottent les mains, un Parti socialiste sens dessus dessous et des lieutenants du gouvernement qui traitent de « grincheux » les réticents, le tout en faisant planer la menace d’un 49-3… Même pas encore présenté, le texte de la ministre du Travail provoque une joyeuse pagaille.
Accords de branche pour contourner les 35 heures, plafonnement des indemnités prud’hommales, assouplissement des licenciements économiques… Le menu de l’avant-projet de réforme du code du travail, que l’exécutif a largement fait fuiter dans la presse cette semaine, donne des boutons à une grande partie de la gauche. Ce texte porté par la ministre du Travail Myriam El Khomri, qui sera présenté en conseil des ministres le 9 mars, est en revanche applaudi par le Medef et une partie de la droite.
Dans L’Opinion, le député sarkozyste Eric Woerth salue « un texte qui répond en partie aux propositions des Républicains et aux attentes des entreprises sur plusieurs questions : le référendum, le contrat de travail, les 35 heures, les négociations ». L’ancien ministre n’exclut donc pas de le voter, même s’il prend bien soin de prévenir qu’« il ne faut pas que la montagne accouche d’une souris, comme cela a souvent été le cas ». « Si le texte reste tel qu’il est, je le vote », affirme carrément dans Le Figaro Nathalie Kosciusko-Morizet, qui souhaite tout de même « déposer des amendements pour l’améliorer ». Le patron des sénateurs Les Républicains, Bruno Retailleau, va dans le même sens. « La majorité sénatoriale consolidera les avancées vers une plus grande flexibilité », annonce-t-il sur Twitter.
D’autres ténors sont bien obligés d’approuver le texte sur le fond mais pour faire bonne mesure, ils se disent persuadés que le gouvernement n’ira pas jusqu’au bout. François Fillon affirme qu’il est « naturellement prêt » à soutenir le projet de loi « s’il y a des mesures qui vont dans le bon sens ». Mais l’ancien Premier ministre estime que l’exécutif n’a « ni le temps, ni la majorité, ni la légitimité démocratique » pour effectuer ces réformes. Même credo chez Bruno Le Maire : « Je partage la nécessité absolue de simplifier les règles du licenciement en France, mais je demande à voir le texte à la sortie de la commission des affaires économiques. » Une prudence toute politique : surtout, ne pas avoir l’air d’encenser l’exécutif.
Henri Guaino s’oppose au projet de loi et invoque… le Front populaire !
Il en reste tout de même quelques-uns, à droite, pour s’opposer à ce texte rédigé par un gouvernement de gauche. « Je suis frappé par cette espèce de course à l’échalote pour savoir lequel sera le plus thatchérien, le plus schrödérien, le plus ultra-libéral », s’est indigné Henri Guaino ce vendredi sur iTélé. Et le député d’invoquer… le Front populaire à l’appui de son argumentation ! « Je ne vais pas, au nom de mon parti, renier ma propre histoire. Si vous voulez supprimer les congés payés, par exemple, vous ferez sans moi. C’était une mesure de gauche, je la prends à mon compte. Voilà, vive Léon Blum et vive le Front populaire pour ce qui est de la limitation du temps de travail et des congés payés », a-t-il tempêté. Nicolas Dupont-Aignan a quant à lui fustigé sur Public Sénat « la destruction de toute règle sociale et l’esclavagisation des Français ». Ce projet de loi, « c’est revenir au XIXe siècle, c’est n’importe quoi », s’est insurgé le président de Debout la France. « C’est la trahison de tous les progrès sociaux dans notre pays depuis un siècle. »
Mais c’est surtout l’état de la gauche qui a de quoi inquiéter le gouvernement. La majorité est à nouveau mise sens dessus dessous par ces mesures qui ne figuraient pas – c’est le moins qu’on puisse dire – au programme de François Hollande en 2012. Alors que la fronde ne faiblit pas, Manuel Valls envoie donc ses lieutenants au front. Invité d’Europe 1 ce vendredi, le secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, a traité à trois reprises de « grincheux » ceux qui seraient dans « la gauche du conservatisme » et essaieraient de « bloquer la poussée réformiste du gouvernement ». Et alors que Myriam El Khomri n’a pas exclu le recours à l’article 49-3 pour passer en force en cas de blocage, le patron des députés socialistes, Bruno Le Roux, a carrément osé déclarer, sur RTL, que « le 49-3 est un outil qui peut permettre de favoriser la discussion ». Une conception très spéciale du débat parlementaire…
Une gauche réticente, une droite embarrassée face à des mesures qu’elle aurait pu défendre si elle était au pouvoir et un patronat qui applaudit des deux mains : ces clivages bousculés rappellent l’ambiance qui entourait le débat sur la loi Macron il y a un an. Une discussion qui s’était terminée brutalement… à coups de 49-3.
Powered by WPeMatico
This Post Has 0 Comments