Fraude fiscale : le ballet des millions entre la France et la Suisse

D’un côté, des recruteurs suisses de la banque UBS chargés de séduire de grandes fortunes en France. De l’autre, des exilés fiscaux qui sentent le vent du boulet et rapatrient leurs fonds à Bercy. « Le Monde » révèle dans le cadre de son dossier « UBS Leaks » comment la banque suisse aura été au cœur d’un étrange chassé-croisé, à coups de millions d’euros, entre l’Hexagone et la Confédération helvétique.

Ça, c’était avant. À la belle époque si proche où, pour inciter les riches contribuables à frauder le fisc français, une armée de commerciaux anonymes était envoyée du siège suisse d’UBS vers ces porte-monnaie bleu-blanc-rouge bien garnis. Anonymes, puisque la démarche d’UBS était interdite par la loi. Comme le rappelle Le Monde, ces super VRP n’arboraient aucun logo sur leurs cartes de visite, devaient éviter de conserver des documents compromettant sur leurs ordinateurs, et usaient de techniques d’agents secrets pour passer la frontière en toute discrétion.

Rien n’est trop beau pour ferrer le client fortuné
Pour faciliter la prise de contact entre millionnaires français et banquiers suisses, UBS organisera une centaine d’événements très sélects du début des années 2000 à 2010, allant jusqu’à dissimuler la vraie raison de ces raouts à sa propre filiale française. Soirée avec Rostropovitch au Théâtre des Champs-Elysées, virées en bateau, chasses, déjeuner littéraire dans un hôtel de luxe, parties de golf entre gens de bonne compagnie, tout est fait pour amadouer le client potentiel avide de défiscaliser sa fortune, y compris par des moyens illicites. Le business tournait à plein, l’argent rejoignait les rives du Lac Léman avec la grâce d’un vol de cigognes, les clients voyaient leurs charges fiscales fondre comme neige au soleil. Une vie rêvée pour tout le monde, en somme, si cela avait été légal.

La fête est finie, mais on ne va pas être trop méchant avec vous
Alors, le jour où les autorités françaises et internationales ont enfin daigné commencer à agir, à compter de 2009, alors même que des commerciaux d’UBS continuaient leurs opérations séduction, il a vite fallu arrêter la musique et ranger la maison. Et comme on s’arrange toujours plus aisément avec la délinquance plaqué or, le gouvernement français a fait une jolie fleur aux fraudeurs : rapatriez les fonds et vous ne paierez que votre dû, majoré d’amendes et de pénalités, sans autre forme de poursuite judiciaire. 

Encore des milliards en attente de leur billet retour
Ainsi, à partir de 2009 et la première « cellule Woerth », du nom du ministre du Budget de l’époque, les premiers millions rentrent en France, à contrecoeur. Il faudra attendre la deuxième salve de régularisation de la « cellule Cazeneuve » de 2013, plus menaçante, pour voir revenir le gros des fonds. Parmi ces aigrefins, UBS se taille la part du lion, avec pas moins de 4.200 clients de la banque suisse repentis, selon les chiffres publiés par Le Monde.  Tous fraudeurs confondus, 2,6 milliards d’euros d’avoirs avaient été déjà régularisés fin 2014, auxquels s’ajouteraient près de 3 milliards d’euros pour 2015, selon l’estimation des enquêteurs relayée par le quotidien. Et les voyages retours devraient continuer, depuis UBS ou d’autres établissements suisses : 8.800 des 45.000 demandes de régularisation reçues au ministère des Finances depuis 2013 ont été déposée en 2015. Moins d’un tiers de ces derniers dossiers ont été traité par Bercy.

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