Les Corses malmenés par l'Etat… vraiment ?

Les nouveaux dirigeants nationalistes élus aux régionales de 2015 ne cessent de brandir l’étendard d’une Corse foulée au pied par l’ingrate République. Dans les faits, l’île bénéficie de privilèges administratifs et fiscaux très avantageux, tandis que l’apprentissage de la langue corse est institué par l’école publique…

À en croire ses nouveaux dirigeants, la Corse et son peuple seraient malmenés, humiliés, voire niés par l’État français. Gilles Siméoni, président du conseil exécutif de Corse, se plaignait encore sur France info le 16 février d’être « dans une logique confrontée à un Etat qui refuse de prendre en compte [notre] peuple. » Le jour même où Gilles Siméoni et le président de l’Assemblée locale Jean-Guy Talamoni étaient reçus au ministère des Collectivités territoriales au sujet de la future collectivité unique de Corse, la énième sortie victimaire du dirigeant nationaliste commence à user.

Car, bigre ! Le peuple corse ne serait donc pas pris en compte par la France ? Jeter un œil sur les diverses spécificités accordées à l’Île de Beauté par Paris – sur les plans économiques et culturels notamment – suffit à démontrer le contraire. Voici un petit florilège de petits et grands privilèges – dont certains sont d’ailleurs justifiables – qui feraient pâlir de jalousie n’importe quelle autre région française et leurs « peuples ».

Des lois sur mesure, un statut unique
C’est la loi du 2 mars 1982 portant statut particulier de la région Corse, complétée par la loi du 30 juillet 1982 relative aux compétences, qui a d’abord entériné les spécificités administratives de l’île. La loi du 22 janvier 2002 issue du processus de Matignon donnera des compétences nouvelles à la Corse et renforcera les pouvoirs de la collectivité territoriale de Corse, mais n’en modifiera pas le statut.

Au cours de l’année suivante, la Collectivité territoriale de Corse (CTC) obtient les pleines compétences dans des domaines aussi variés que l’élaboration et l’adoption de la carte scolaire, l’action culturelle, le tourisme, les équipements et la gestion des ports et aéroports principaux, la gestion des ressources en eau et des forêts ou encore la définition des aides aux entreprises.

Transfert de compétences, de moyens et… de biens
De la même façon, ces transferts de compétences sont accompagnés de transfert de moyens (personnels, crédits de fonctionnement et d’investissement) et de biens tombant dans le patrimoine de la CTC. Parmi ceux-ci, la Corse récupère la gestion de ses aéroports et de ses ports, de son réseau ferré, des monuments historiques, des sites archéologiques, des forêts et terrains à boiser qui faisaient partie du domaine privé de l’Etat et des établissements d’enseignement supérieur. Pas facile d’y voir la politique d’un État prédateur avide d’écraser le peuple corse sous sa domination administrative.

Les institutions corses sans équivalent dans les autres régions françaises
Autre singularité corse, la politique de l’exécutif local est assumée devant l’Assemblée de Corse, qui a la capacité de voter une motion de défiance. Composée de 51 représentants élus au suffrage universel direct, c’est elle qui élit le conseil exécutif de Corse, composé d’un président et de huit conseillers. Le pouvoir oppresseur de la Métropole s’y serait sans doute pris autrement pour tuer toute velléité d’autonomie de la Corse.  

Enfin, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République du 7 août 2015, prélude à la collectivité de Corse unique prévue au 1er janvier 2018 acte la création d’une conférence de coordination des collectivités territoriales. Difficile de faire plus représentatif puisque cette instance regroupe des membres du conseil exécutif de Corse, le président de l’Assemblée de Corse, les présidents des communautés d’agglomération, les maires des communes de 30 000 habitants ou plus, un représentant des collectivités territoriales et groupements de collectivités des territoires de montagne, huit représentants élus des présidents des communautés de communes et huit représentants élus des maires des communes de moins de 30 000 habitants. Par ailleurs, les pouvoirs du président du Conseil exécutif de Corse sont élargis.

À l’école de la République, on enseigne le corse…
Sur le plan culturel et linguistique d’abord, on ne peut pas dire que la langue corse et les traditions du peuple corse soient écrasées par la République. La loi de janvier 2002 indique ainsi que « la langue corse est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires de Corse ». La convention actuellement en vigueur impose « un enseignement de trois heures hebdomadaires à l’emploi du temps de toutes les classes du premier degré« . Dans une note publiée le 5 octobre 2015, le recteur de l’académie de Corse note également « une forte progression de l’enseignement bilingue » et évoque « une stratégie éducative visant à offrir à tous les élèves la perspective d’un bilinguisme ouvert au plurilinguisme ».

Selon les derniers chiffres disponibles sur le site de l’académie de Corse concernant l’année scolaire 2008-2009, 23 683 élèves du premier degré de l’école publique, soit 98,36 % des effectifs, reçoivent un enseignement de corse. Dans le second degré, 8 626 élèves (40,89 %) étudient le corse. L’enseignement bilingue paritaire concerne 4 932 élèves (20,48 % des effectifs) dans le primaire et 1 563 élèves (7,41 %) dans le secondaire. 

Fiscalité : une aide généreuse de ParisCôté politique fiscale, la Corse n’est pas non plus en manque de reconnaissance, avec une myriade de dispositifs avantageux. La situation socio-économique très délicate de l’île peut d’ailleurs les justifier en bonne partie. Pour les entreprises en zones franches par exemple, ce sont des allégements des cotisations sociales patronales, la suppression de la taxe professionnelle et certaines exonérations sur les bénéfices de l’impôt sur les sociétés. Les particuliers, eux, peuvent compter sur des ristournes de taxes foncières sur certaines propriétés et surtout d’innombrables taux de TVA plus avantageux que sur le continent. Par ailleurs, la dotation de continuité territoriale subventionne largement le transport fluvial et aérien entre la Corse et le continent. Autant de dispositifs sévèrement tancés par l’Inspection générale des finances qui, dans un rapport publié en 2011, les juge « inefficaces » et « sans effet perceptible sur le développement et l’emploi ». Plus que des braises soufflées avec hystérie sur le feu de l’indépendance, c’est d’une vraie stratégie de développement économique et social dont les 320 000 habitants de Corse ont besoin.

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