Le maire de Bordeaux a adressé ses « amitiés » à son rival mis en examen une nouvelle fois mardi. Une réaction soigneusement dosée aux démêlés judiciaires de l’ancien chef de l’Etat.
Acte manqué ou perfidie volontaire ? Mardi soir, entre deux tweets à propos de la mise en examen de Nicolas Sarkozy dans l’affaire de ses comptes de campagne, Alain Juppé en a posté un autre, dans lequel il rend hommage à l’ancien secrétaire général de l’ONU Boutros Boutros-Ghali, décédé le même jour… De là à dire que le maire de Bordeaux classe désormais l’ex-chef de l’Etat dans la rubrique nécrologique, il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons pas. Il n’empêche, la réaction d’Alain Juppé aux nouveaux ennuis judiciaires de son rival pour la primaire de la droite est un modèle de dosage. Après avoir rappelé le « droit à la présomption d’innocence » de Nicolas Sarkozy, l’ancien Premier ministre poursuit : « Je souhaite pour nous tous que Nicolas Sarkozy fasse prévaloir son bon droit. Amitiés dans les moments difficiles. »
Certains croiront à une sincère solidarité, d’autres moqueront une hypocrisie. Mercredi matin, Alain Juppé haussait les épaules lorsqu’on l’interrogeait sur le sujet, en marge d’une intervention devant la Fondation Concorde à Paris. « Quand je ne fais rien, on dit que c’est hypocrite, et quand je fais quelque chose… », a-t-il lâché en petit comité, sans achever sa phrase.
Dans tous les cas, sa réaction confirme que s’il suit de près les démêlés judiciaires de son rival, Juppé ne souhaite pas en rajouter. D’abord parce que lui-même a été condamné en 2004 à dix-huit mois de prison avec sursis dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris, alors qu’aucune sentence n’a jamais été prononcée contre Nicolas Sarkozy pour l’instant. Ensuite parce qu’il est porté par des sondages insolents et souhaite limiter les prises de risque d’ici à la primaire de novembre. « Dans les neuf mois qui restent, il peut se produire des milliards d’accidents qui peuvent faire dégager un poids lourd. Bâtir des stratégies sur d’hypothétiques développements judiciaires à venir me paraîtrait bizarroïde », explique un député juppéiste.
« Si Sarko est innocenté cinq fois, des gens pourront se dire que c’est de l’acharnement »
Enfin, le camp Juppé n’oublie pas que Nicolas Sarkozy a déjà obtenu deux non-lieux, dans l’affaire Bettencourt et dans celle des pénalités payées par l’UMP après le dépassement de ses comptes de campagne. « Si Sarko est mis en examen cinq fois et innocenté cinq fois, des gens pourront se dire que c’est de l’acharnement et qu’il y en a ras-le-cul », prévient ce proche du maire de Bordeaux.
Il n’en reste pas moins que les juppéistes ont de la mémoire. En 2004, après la condamnation de leur mentor par le tribunal correctionnel de Nanterre, la réaction de Nicolas Sarkozy avait été assez similaire à celle d’Alain Juppé mardi : une apparente compassion pouvant facilement passer pour de la condescendance. « Personne ne peut douter de la probité personnelle et de l’honnêteté d’Alain Juppé », déclarait celui qui était alors ministre de l’Intérieur et grand favori pour porter les couleurs de la droite à la présidentielle de 2007. « A titre personnel, je souhaite qu’il continue son engagement politique », ajoutait-il… alors que Juppé venait d’en prendre pour dix ans d’inéligibilité ! Douze ans plus tard, entre le champion des sondages et l’habitué des juges d’instruction, les rôles se sont inversés. Mais les petites phrases pesées au trébuchet sont toujours là.
Powered by WPeMatico
This Post Has 0 Comments