Plus de vingt ans après la loi Sapin I, le ministre des Finances s’apprête à présenter un nouveau projet de loi visant à renforcer la lutte contre la corruption. L’encadrement de l’activité des lobbies est au centre du texte.
‘’Aujourd’hui, la France est en retard, par exemple en matière de lutte contre la corruption d’agents publics à l’étranger ». De l’aveu de son instigateur, la loi Sapin de 1993 luttant contre la corruption ne suffit plus. Dans une interview accordée ce mardi au journal Le Parisien, le ministre des Finances a dévoilé son projet de loi sur la lutte anticorruption, qui devrait être présenté fin mars en Conseil des ministres.
Pressé d’agir par nombre d’ONG, à l’instar de Transparency International en janvier dernier, le gouvernement s’est donc décidé à présenter un projet annoncé par François Hollande en janvier 2015. Un texte qui prévoit aujourd’hui de mieux encadrer l’activité des lobbies et de protéger les « lanceurs d’alerte », qui dénoncent des pratiques de corruption.
« Fini les voyages, les avantages, les petits cadeaux offerts par les lobbies à tel ou tel responsable public… »L’une des propositions fortes portées par Michel Sapin consiste à mettre en place un registre des lobbies afin de permettre « une identification claire des groupes de pression, au bon sens du terme ». Et de prendre l’exemple des « défenseurs des cultivateurs du tabac », qui ont, selon lui, « tout à fait le droit d’exister, mais en pleine lumière ». Les entreprises et autres groupes de pression inscrits sur ce registre s’engageraient à « respecter un certain nombre de principes ». « Fini les voyages, les avantages, les petits cadeaux offerts par les lobbies à tel ou tel responsable public (…). Idem pour un bon déjeuner payé dans un grand restaurant. Enfin, il leur sera interdit d’utiliser sciemment des chiffres erronés. Sous peine d’amendes », prévient le ministre. Des exigences que devront donc respecter les lobbies référencés sur ce répertoire, sous la surveillance de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Une autre institution veillant à la transparence verra ses prérogatives renforcées. Le Service central de prévention de la corruption sera ainsi transformé « en agence indépendante, dotée de moyens accrus ». Une réforme qui vise à protéger davantage les « lanceurs d’alerte », sans qui « beaucoup de scandales n’auraient pas éclaté », selon Michel Sapin. Le ministre souhaite ainsi « leur offrir une protection juridique, y compris la prise en charge de leurs frais d’avocats, par exemple, parfois colossaux ». De quoi satisfaire l’ONG Transparency International, qui demande depuis de longues années le renforcement d’une protection « encore largement insuffisante » des « lanceurs d’alerte », ainsi que la mise en place « d’une agence nationale de lutte contre la corruption ».
Les entreprises inquiétées pour activités de corruption seront invitées à plaider coupable afin d’éviter un procèsMais la principale innovation du projet de loi est d’instituer un dispositif dit « de convention de compensation d’intérêt public » : les entreprises inquiétées pour activités de corruption seront invitées à plaider coupable afin d’éviter un procès. En clair : une amende, souvent lourde, contre la suspension des poursuites pénales. Une procédure souple et efficace calquée sur le modèle américain du « Foreign Corrupt Act », qui a permis d’infliger ces dernières années de lourdes sanctions à nombre d’entreprises françaises (Total, Tchnip, Alstom), quand la France n’a pas condamné une seule entreprise pour corruption en quinze ans. « Il est assez humiliant de constater que de grandes entreprises françaises se voient imposer de lourdes amendes par des autorités étrangères et se retrouvent placées sous leur monitoring », regrettait ainsi Daniel Lebègue, le président de Transparency International France, en septembre 2015. Ses doléances ont, semble-t-il, aiguillé le ministre Sapin.
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