Après l’enlèvement et le viol de Zouhoura, une lycéenne de 16 ans, une manifestation inédite a eu lieu ce lundi à N’Djamena pour soutenir la victime et protester contre les violences sexuelles au Tchad.
Les Tchadiens ne veulent plus se taire. Après l’enlèvement et le viol filmé de Zouhoura, une lycéenne de 16 ans, par cinq hommes le week-end du 8 février, la population est sortie ce lundi dans les rues de la capitale N’Djamena, révulsée par les images de la victime qui tournaient sur les réseaux sociaux. Au cours de cette manifestation, inédite dans ce pays d’Afrique centrale où les violences sexuelles sont pourtant monnaie courante, la foule a réclamé « Justice pour Zouhoura« et scandé « Nous sommes tous Zouhoura, notre dignité bafouée« .
Si le sort de cette adolescente a provoqué une telle vague de protestation, c’est en partie dû à cette vidéo qui a circulé sur Facebook. Au départ, les images circulaient sur des applications de messageries (Whatsapp et Viber) mais Maïna, un activiste basé en France, a réussi à mettre la main dessus et a décidé de la publier le samedi 13 février sur Facebook (elle a été retirée depuis). On y voyait notamment la victime en larmes. La vue de ces images a choqué une grande partie de la population, et notamment les jeunes.
L’autre raison du scandale est le comportement de la justice, accusée d’inaction. La famille de la victime avait pourtant décidé de porter plainte le jour même de l’agression. Mais rien ne sera fait. Une des raisons avancée par les protestataires est que deux des agresseurs sont les fils de généraux tchadiens… Au-delà du statut des jeunes hommes accusés, les affaires de viol sont réputées rarement traitées par la justice tchadienne.
Mais le lundi 15 février, donc, les choses finissent par bouger. L’Association des femmes osant la réussite et le combat pour l’équité (Force) lance ce matin-là un appel au rassemblement devant la maison de la victime. Très vite, elles sont rejointes par une foule de plus en plus dense, en grande partie des camarades de classe de Zouhoura, y compris des hommes. Le rassemblement se transforme alors en marche de plusieurs centaines de personnes jusqu’au palais de justice. Las, dans un pays habitué à réprimer ses manifestations, celle-ci dégénère et les policiers tirent à balles réelles, tuant, selon un témoin cité par l’AFP, un protestataire. Le porte-parole de la police assure au contraire qu’il n’y a a pas eu de victime et que deux des violeurs présumés ont été arrêtés.
Sortant de son silence, le président Idriss Déby Itno a dénoncé dans un communiqué « un acte barbare, ignoble et innommable« , promettant que « justice sera rendue« . Sont-ce les protestations, ou l’implication indirecte de deux de ses généraux, ou encore l’identité du père de la victime qui l’ont poussé à réagir ? Ce dernier n’est en effet autre que Mahamat Yesko Brahim, président du Mouvement démocratique africain (MDA), parti de l’opposition. Or celui-ci vient d’être investi par son parti comme candidat à la présidentielle du 10 avril 2016, qui l’opposera au président sortant.
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