Les eurodéputés verts dénoncent la « stratégie de planification fiscale agressive » du numéro un mondial de l’ameublement, dans un rapport d’enquête que la Commission européenne a promis ce week-end d’étudier en détail. Le montage représenterait pour la France un manque-à-gagner de 24 millions d’euros en 2014.
On connaissait les fameux modes d’emploi pour le montage des meubles Ikea. Eh bien un rapport de députés européens livre la notice des montages fiscaux du fabricant de meubles suédois. Ce document, remis par les élus du groupe Verts/ALE au Parlement européen, montre notamment « comment l’entreprise multinationale suédoise s’est structurée pour soustraire à l’impôt plus d’un milliard d’euros ces six dernières années au détriment de divers États européens« . « Ikea a essentiellement utilisé des échappatoires fiscales qu’offrent les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg », précisent les eurodéputés verts dans un communiqué, dénonçant une « stratégie de planification fiscale agressive » du numéro un mondial de l’ameublement.
Dans ce rapport est décrite l’une des techniques privilégiées du groupe, selon les députés verts : chaque magasin de la chaîne suédoise procède au paiement de redevances (« royalties ») à une filiale basée aux Pays-Bas qui joue seulement un rôle de « conduit« . Les redevances entrent et sortent des Pays-Bas non taxées et aboutissent en grande partie au Liechtenstein. « Rien que pour l’année 2014« , le rapport d’enquête évalue « les pertes fiscales à 35 millions d’euros pour l’Allemagne, 24 millions d’euros pour la France et 7,5 millions d’euros pour la Belgique« .
24 millions d’euros de perte pour la France en 2014
Invité par l’AFP a réagir, Ikea a affirmé dans un courrier électronique « payer ses impôts conformément aux législations nationales et internationales« . « Au cours de l’exercice financier 2015, Ikea Group a payé des impôts pour un montant total de plus de 1,5 milliard d’euros, et sur les cinq dernières années (entre 2011 et 2015), le total s’élève à environ 7,5 milliards d’euros », détaille l’enseigne. Avant de renvoyer subtilement la balle au mic-mac des systèmes fiscaux, notamment européens : « Nous tenons à continuer à développer nos activités en Europe et nous nous réjouissons d’échanger sur une harmonisation du système fiscal international« .
Les eurodéputés verts ont envoyé une lettre à Margrethe Vestager, Commissaire européenne à la concurrence, et à Pierre Moscovici, Commissaire européen à la fiscalité, dans laquelle ils présentent leurs conclusions. Ils les invitent à lancer une procédure d’examen afin de vérifier l’existence d’une possible infraction à la législation européenne sur la concurrence. « La Commission européenne a pris bonne note de ce rapport et va l’étudier en détail« , a réagi ce week-end Vanessa Mock, porte-parole de la Commission, chargée des services financiers et de la fiscalité, ajoutant : « La commission européenne salue le fait que la lutte contre la fraude fiscale est devenue une priorité politique essentielle, aussi bien dans l’UE qu’au niveau international« .
Depuis l’éclatement du scandale LuxLeaks en novembre 2014, qui avait profondément terni l’entrée en fonction du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker en tant que nouveau président de la Commission, Bruxelles a accentué sa lutte contre l’opacité fiscale. LuxLeaks avait mis en lumière un système d’évasion fiscale à grande échelle des multinationales et particulièrement le rôle joué par certains Etats, comme le Luxembourg, à une époque où le même Juncker était à la fois Premier ministre et ministre des Finances. En octobre 2015, la Commission a fait adopter par les 28 Etats membres le principe de l’échange automatique d’informations sur les accords fiscaux passés entre Etats et multinationales. Et fin janvier, elle a lancé une vaste offensive contre l’optimisation fiscale des multinationales qui prive chaque année les Etats de l’UE de dizaines de milliards d’euros. En voici un exemple concret.
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