Noël Mamère : "Hollande joue d'un populisme pénal"

Sa discussion a débuté en toute discrétion le 10 février en commission des Lois: le projet de loi visant à réformer la procédure pénale devrait faire débat. Le texte prévoit un glissement des prérogatives des magistrats du siège vers ceux du parquet qui inquiète fortement le député-maire de Bègles Noël Mamère.

Pourquoi êtes vous inquiet du glissement, instillé dans ce texte, des compétences du juge judiciaire vers le procureur de la République ?

Je suis inquiet puisqu’on fait entrer pour la première fois le préfet dans le code de la procédure pénale, qui primera sur le juge judiciaire. Il est clair que cette réforme du code de procédure pénale vise tout simplement à reléguer le juge d’instruction au profit de la justice administrative et de la police, en donnant soi-disant un rôle majeur au juge des libertés et de la détention (JLD). Sauf que le JLD n’est qu’un intermittent de la procédure et que son statut n’est pas aujourd’hui encore défini. Et au regard du poids qui va peser sur ses épaules, il apparaît dangereux de lui confier de telles responsabilités.

 

Comment envisager dès lors l’avenir du juge d’instruction ?

L’avenir du juge d’instruction se dessine très mal. Il aura en effet de moins en moins d’importance dans les dossiers les plus lourds. Le projet de loi visant à réformer la procédure pénale donne, de fait, la priorité au procureur de la République. Et ce, au détriment du juge d’instruction, qui est un magistrat dont l’indépendance n’est pas remise en cause.

 

Le Parti socialiste critiquait sévèrement la « justice des procureurs » sous la présidence de Nicolas Sarkozy, et le gouvernement socialiste renforce aujourd’hui leurs pouvoirs. François Hollande et Manuel Valls se renient-ils ?

« Avec cette modification du code de procédure pénale, la boucle est bouclée »Ce n’est pas la première fois que les socialistes se renient. Ils se sont reniés sur la déchéance de nationalité, ils se sont reniés sur l’état d’urgence, et ils se renient aujourd’hui avec cette réforme de la procédure pénale. François Hollande, tout autant que Nicolas Sarkozy avant lui, joue d’un populisme pénal. Et il va même plus loin que Sarkozy, au motif que le terrorisme justifie de telles mesures.

Entre la constitutionnalisation de la déchéance de nationalité, la révision de la loi de 1955 sur l’état d’urgence, qui élargit le public visé par les assignations à résidence, et cette modification du code de procédure pénale, la boucle est bouclée.

 

Les nouvelles garanties apportées au cours de l’instruction, notamment concernant les délais de détention provisoire et la défense des gardés à vue, sont-elles suffisantes ?

Ces contreparties me font penser aux 1.220 hectares de forêt détruits à Notre-Dame-des-Landes au motif que l’on peut compenser ailleurs en replantant des arbres. Il s’agit d’un simple affichage pour faire croire aux citoyens que l’on va ainsi répondre aux menaces qui pèsent sur nous en garantissant leurs libertés individuelles. C’est une grande arnaque.

 

Ce projet de loi est discuté en commission alors que le débat public se concentre actuellement sur la déchéance de nationalité. Est-ce une aubaine pour le gouvernement ?

« Ce projet s’inscrit dans une logique, il fait partie d’un « paquet » »Je ne pense pas que le gouvernement ait la volonté de passer sous silence cette discussion. Ce projet s’inscrit dans une logique, il fait partie d’un « paquet ». Depuis 1986, 20 lois anti terrorisme ont été votées, dont 4 par la gauche. Il faut y inclure la loi sur le renseignement, qui est particulièrement attentatoire aux libertés individuelles et dont certaines mesures sont poursuivies par cette réforme de la procédure pénale. Je pense notamment à la légalisation du recours aux IMSI-catcher (des appareils d’interception de télécommunications qui agissent de manière généralisée et indifférenciée sur un périmètre donné, ndlr), que je dénonce.

 

Jean-Jacques Urvoas, ministre de la Justice, peut-il entendre et prendre en compte votre opposition à ce projet ?

Je pense simplement que monsieur Urvoas ne m’entendra pas, ce qu’il a d’ailleurs démontré lors de la discussion du texte en commission des Lois. Je sais déjà que je n’ai plus rien à attendre de ce gouvernement. Aujourd’hui, je vais combattre ce gouvernement.

 

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply