Sommes-nous devenus plus puritains que Facebook ?

Les censures par Facebook de « l’Origine du monde » de Courbet, les interdictions de films un peu trop dévêtus obtenues par une asso de cathos radicaux, des sexes de statues recouverts de fleurs de lys… normal ! Oui, nous vivons dans un puritanisme globalisé, mondial, et cela ne nous gêne presque plus.

Le 25 janvier dernier, Hassan Rohani, le président de la République islamique d’Iran, était invité par Matteo Renzi à dîner au Capitole. Sa visite au musée dut toutefois lui paraître monotone. Afin de respecter « la culture et la sensibilité iraniennes », les autorités italiennes avaient encoffré des dizaines de statues, trop peu vêtues qu’elles étaient. Imaginez les allées du plus ancien musée du monde envahies par des cercueils de bois blanc, verticaux et affreux ! Enfin, que craignait-on donc ? Que ces Vénus se réveillassent ? Mais nous ne sommes pas dans une nouvelle de Mérimée, et personne ne s’est réveillé. Ni les statues, ni l’opinion publique.

Quand, deux jours plus tard, au Capitole toujours – mais à Toulouse cette fois –, a eu lieu une opération « don du sang » dans la belle salle des Illustres, que se passa-t-il ? On recouvrit les sexes des statues d’une fleur de lys géante, en papier blanc. « Pour ne pas gêner les infirmières, et pour ménager les cœurs des personnes solidaires. » Cette double capitulation au Capitole emmène vers une seule hypothèse : nous sommes (re)devenus puritains. Tous. Indépendamment du pays et des opinions. Indépendamment de la religion même. Encore un exemple ? L’association Promouvoir a réussi, ces dernières semaines, à annuler le visa d’exploitation de la Vie d’Adèle et d’Antichrist, à cause de leurs « scènes de sexe réalistes ». Et ses avocats veulent désormais interdire les Huit Salopards de Tarantino. « Mais c’est une association proche des milieux catholiques traditionalistes ! » croiront expliquer ceux qui n’y comprennent rien. Répétons-leur, hélas, que la justice française a donné raison aux puritains. Oui : notre justice vient d’accepter et de valider les haut-le-cœur de Promouvoir.

« Nous autres, victoriens », comme disait Foucault, nous n’avons pas les idées claires sur la nudité, ni sur ses détracteurs. Nous nous croyons plus libres que jamais, dans nos pensées et dans nos mœurs ; alors nous rions des pudibonds et des tartuffes, nous échangeons des blagues sur eux, entre amis, à travers les réseaux sociaux. Nous refusons ainsi d’admettre que nous vivons désormais dans leur monde – et qu’ils ont, pour l’heure, gagné. Oui, nous vivons dans un puritanisme globalisé, mondial, et cela ne nous gêne presque plus.

Qui s’offusque encore lorsque Facebook censure l’Origine du monde de Courbet et les photos d’Helmut Newton ou de Willy Ronis, et même les cartes postales de la petite sirène de Copenhague, parce que « cette statue contient une connotation sexuelle » ? Tout le monde se désole et rigole. Et c’est ainsi que personne n’agit. Ah, tout de même ! Devant nos maigres haussements d’épaules, Facebook vient de changer ses conditions d’utilisation, et déclare accepter désormais « les photos de femmes qui défendent activement l’allaitement ou qui montrent les cicatrices post mastectomie de leur poitrine. » Si nous nous moquons des puritains, voyez si les puritains se moquent bien de nous.

 

 

 

 

 

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