Le livre « L’alternative Arnaud Montebourg », en librairie ce 11 février, montre à quel point le passage du tempétueux Montebourg dans le gouvernement Ayrault a plus tenu de la cohabitation que du compagnonnage.
Comment Arnaud Montebourg et Jean-Marc Ayrault ont-ils pu rester si longtemps dans le même gouvernement ? C’est la question que l’on peut se poser à la lecture du livre d’Antonio Rodriguez, journaliste économique à l’AFP, qui signe « L’Alternative Arnaud Montebourg », à paraître ce jeudi 11 février. Un récit qui retrace de l’intérieur les deux années passées par Montebourg au gouvernement, enrichi de réflexions de l’intéressé depuis son éjection ainsi que des jugements de son meilleur ennemi durant cette période, l’ancien Premier ministre. « C’est Montebourg, quoi ! C’est compliqué », lâche ainsi à plusieurs reprises Jean-Marc Ayrault au journaliste de l’AFP. Il faut dire que Montebourg est un étrange animal politique capable de dézinguer à tout va ses petits camarades.
« Il est respectueux de ses adversaires mais pas toujours de ses amis politiques »
C’est peut-être d’ailleurs André Accary, opposant LR local de l’ancien avocat en Saône-et-Loire, qui résume le mieux dans ce livre le personnage : « Il est respectueux de ses adversaires, mais pas toujours de ses amis politiques ». On se souvient par exemple de cette sortie sur le plateau de Canal +, en pleine campagne présidentielle de 2007 : « Ségolène Royal n’a qu’un seul défaut. C’est son compagnon ». Ce qui lui vaudra d’être suspendu durant un mois du porte-parolat de la candidate. Derrière le plaisir du bon mot, auquel Montebourg ne résiste jamais, se cachait aussi une réalité politique : le peu d’entrain du Parti socialiste et de son premier secrétaire d’alors, François Hollande, à soutenir « la bravitude » de la candidate pourtant investie par le parti.
Il n’empêche. Arnaud Montebourg peut-être brutal, sans retenue. Franc, diront ses soutiens. La sentence d’André Accary se confirme tout au long du livre d’Antonio Rodriguez.
Ainsi, dès la constitution du gouvernement, Arnaud Montebourg juge que le choix du Président de nommer Ayrault comme Premier ministre est une erreur. « Ce n’était pas une bonne nouvelle, vu ses états de service et ses positions antérieures. En toute logique, c’était Martine Aubry, arrivée deuxième aux primaires, qui aurait dû être le Premier ministre. Mais François Hollande n’aurait jamais pu exercer le pouvoir solitairement, avec le confort inégalable que lui procurait un Premier ministre comme Jean-Marc Ayrault », analyse-t-il. Ou comment traiter quelqu’un de paillasson sans le dire… Le maire de Nantes appréciera. Il fera d’ailleurs les frais des facéties du ministre du Redressement productif tout au long de leur « cohabitation » dans le gouvernement. Comme le relate l’auteur, Montebourg, profitant du statut de conseiller politique auprès du Président de son ami Aquilino Morelle, n’hésite pas à passer par dessus Jean-Marc Ayrault pour faire valoir directement ses idées auprès de François Hollande.
Ce fut le cas durant la séquence l’opposant à Lakshmi Mittal dans l’affaire des hauts-fourneaux de Florange. « L’Elysée était devenu une sorte de cour d’appel des décisions du Premier ministre qui avait de sérieuses difficultés à décider. Du coup, tout le monde au gouvernement se disait qu’il avait peut-être une chance de vendre son idée à la présidence par-dessus les épaules du Premier ministre », reconnaît ainsi le fautif. Il semble surtout que le ministre de l’Industrie prenait un certain plaisir à faire enrager Matignon. Jean-Marc Ayrault se trouvant souvent pris de cours par les sorties fracassantes de son ministre comme en témoigne cet échange surréaliste entre les directeurs de cabinet des deux hommes politiques rapporté dans le livre :
« – Tu sais pourquoi je t’appelle ?
– Les déclarations sur PSA ?
– Non, celles-là, je ne les ai pas encore vues… Je te parle de ce qu’il aurait dit devant l’Arcep. »
Mieux. Arnaud Montebourg, loin de se démonter, enfonce le clou auprès de son conseiller : « Tu diras à Christophe Chantepy (Directeur de cabinet du Premier ministre) que j’ai dit exactement ça et j’ai été très applaudi. J’ai fait un tabac ! ». Plus effronté tu meurs !
Derrière les coups de menton et les petites phrases assassines se dessine surtout l’histoire d’une déception politique, celle de Montebourg pour Hollande. Ayrault, en tant que premier hollandais en faisant les frais. Une volonté de revanche aussi sur fond d’affaire Florange. Lorsque le PDG d’Arcelor-Mittal annonce, dès le début du quinquennat, sa volonté de fermer les haut-Fourneaux, le ministre du redressement productif se lance immédiatement dans la bataille, plaidant pour que le chef de l’Etat agite publiquement la menace de la « nationalisation partielle » en représailles. Durant plusieurs semaines, Montebourg est conforté dans ses espoir. Au dernier moment, le Premier ministre fait savoir que l’exécutif passe finalement un accord avec l’homme d’affaires. Les hauts-fourneaux ferment leurs portes. Montebourg ne pardonnera pas.
« Comme j’étais fidèle au Président, Montebourg a éliminé un maillon »
Et le Premier ministre va l’apprendre à ses dépens. « Arnaud Montebourg considérait que François Hollande était le problème. Comme j’étais fidèle au Président, il a commencé par éliminer un maillon pour faire plier ensuite François Hollande », explique froidement Jean-Marc Ayrault. L’histoire est connue, le ministre du Redressement s’accorde avec le ministre de l’Intérieur pour pousser Hollande à sortir Ayrault du gouvernement et placer Valls à sa tête. Un plan qui fonctionnera à merveille un temps, avant qu’il ne se retourne contre le putschiste Montebourg lui-même.
*L’alternative Arnaud Montebourg d’Antonio Rodriguez, aux éditions Cherche midi. 16,80 €
Powered by WPeMatico
This Post Has 0 Comments