Un rappeur accusé de promouvoir l'homosexualité avec… un sac à main

Le jeune rappeur sénégalais Waly Seck s’est trouvé au cœur d’une polémique après la publication d’une photo de lui portant un sac à main. Accusé dans son pays de promouvoir l’homosexualité à travers cet accessoire de mode, il a choisi de carrément le découper sur scène pour couper court aux rumeurs.

De plus en plus d’hommes ne craignent plus de s’afficher un sac à la main sans que cela choque. Mais au Sénégal, cela ne passe pas encore… Alors quand, fin janvier, une photo du rappeur sénégalais Waly Seck avec un sac à main a circulé sur la Toile, c’est une pluie de critiques qui s’est abattue sur lui. Parce qu' »il y en a qui disent que c’est un sac de femme« , il a été accusé de promouvoir l’homosexualité dans cet État d’Afrique de l’Ouest qui la punit toujours d’une peine d’un à cinq ans d’emprisonnement. L’affaire a même fait la une de quotidiens sénégalais. Et quand L’Observateur s’amusait d’un « Waly vide son sac« , Le Témoin rapportait : « Haro sur les homos et les sacs à main d’homme« .

Waly a ouvert « la boite de Pandore »
Pris les mains sur la anse, Waly Seck a notamment heurté des autorités religieuses. Un cheikh, Abdoulaye Mbaye Pekh, s’en est mêlé en allant jusqu’à lui interdire de porter un tel accessoire : « Un homme ne doit pas se vêtir comme une femme, encore moins avec un sac à main. Un homme peut mettre ses dossiers dans un cartable, à condition que ce soit un sac pour homme« . Même son « ami » le chanteur Baba Hamdy, dans une lettre ouverte censée se porter à son « secours » et appelant « à la retenue et la compréhension« , a condamné sans réserve sous amour pour la toile croco : « Il ne s’agit nullement de défendre l’indéfendable (…), il est vrai que Waly a ouvert ‘la boite de Pandore’ (…), à mon humble avis, on devait recadrer Waly ».

L’affaire est même devenue d’État après que le magazine Jeune Afrique a publié, dans son édition du 28 janvier, un dessin satirique au sujet de cette fashion police. Le dessin représente le cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de la confrérie mouride à laquelle appartient le rappeur, en tenue traditionnelle sénégalaise. Un homme blanc s’interroge : « Tiens, pourquoi il porte une robe lui ?« . Un humour qui n’a absolument pas plu au pouvoir en place. Le président Macky Sall, qui ne s’est jamais revendiqué Charlie malgré sa présence à la marche parisienne du 11 janvier 2015, a condamné avec le gouvernement et « avec fermeté cette maladresse incompréhensible et inadmissible de la part d’un organe de presse qui s’identifie à l’Afrique et censé connaître, défendre et promouvoir la culture et les valeurs africaines« .

« Sénégal – Affaire Waly Seck : jeu de sacs à mains, jeu de vilains… », texte et dessin sur le site de « Jeune… https://t.co/emmK4ni5I0

— Damien Glez (@DamienGlez) 28 Janvier 2016

Afin d’éteindre la polémique, le rappeur a dans un premier temps assumé son accessoire. Se décrivant comme « une victime de la mode« , il a appelé à la rescousse les exemples de stars américaines comme Kanye West et Pharell Williams, adeptes du sac à main. Et de marteler au micro de RFI, droit dans ses bottes, qu' »il n’a pas l’intention de changer de style vestimentaire » et que ce n’était d’ailleurs « pas la première fois » qu’il portait un sac à main. Fier et digne. Sauf qu’il ne s’agissait bien sûr pas que de mode. Et sur l’homosexualité, dans un pays qui ne la tolère pas, le jeune homme a dû préciser à longueur d’interviews qu’il ne mangeait pas de ce pain-là. De déclaration en déclaration, ses propos se sont faits de plus en plus agressifs et homophobes : « S’ils ont du mal à résoudre ce problème (l’homosexualité), qu’ils ne me prennent pas comme bouc émissaire. Il n’y a pas de ‘gordjiguène'(homosexuel) dans ma famille« , a-t-il commencé, jusqu’à ce qu’il lance au quotidien local L’Observateur : « Je n’aime pas les homosexuels« .

Quelle que soit la part, dans ces déclarations, de sincérité ou d’abdication devant la pression culturelle, la séquence s’est terminée dans un geste d’une absurdité tragique. Parce qu’il « adore faire plaisir à (son) pays » et que, comme il s’en est justifié sur TV5 Monde, « tu ne peux pas tout faire quand tu es un artiste« , le chanteur a décidé d’affirmer sa virilité et son hétérosexualité sur scène, en… découpant aux ciseaux l’objet du délire ! Et ce, sous les vivats de son public. De quoi faire hurler aussi les fashion addicts et, accessoirement, les défenseurs des droits de l’homme.

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