Pour qui vont voter les "orphelins" de la Manif pour tous en 2017 ?

Après le revirement de Nicolas Sarkozy sur la loi Taubira, les anti-mariage pour tous ne peuvent plus compter sur aucun présidentiable pour défendre leurs positions. Dernière chance avant 2017 : la primaire de la droite…

Ils se sentent trahis. Ce 16 novembre 2014, chauffé à blanc par une salle parisienne survoltée, Nicolas Sarkozy leur avait donc menti. Les dirigeants de Sens commun, ce mouvement issu de la Manif pour tous qui a fait de l’entrisme chez Les Républicains (LR), étaient pourtant parvenus à leurs fins : faire dire à l’ancien chef de l’Etat qu’il souhaitait « abroger » la loi Taubira. La salle, qui l’a alors recouvert d’applaudissements exaltés, aurait sans doute dû prêter plus d’attention à son étrange formule : « Si ça vous fait plaisir, franchement, ça coûte pas très cher… » On a vu plus convaincu.

Un an et demi plus tard, c’est la gueule de bois. Dans son dernier livre, La France pour la vie, Nicolas Sarkozy concède avoir « évolué » sur le sujet. Lui (re)président, il n’abrogera pas le mariage pour tous. Sens commun a aussitôt sèchement condamné ce « virage à 180 degrés ». Sarkozy a reçu ses représentants fin janvier. « On lui a bien fait comprendre que ce qu’il écrit dans son livre ne nous convient pas du tout », affirme à Marianne le président de Sens commun, Sébastien Pilard.

La Manif pour tous va appeler « à participer à la primaire de la droite »

Pour tenter de rattraper le coup, Nicolas Sarkozy a bien confié à une élue anti-IVG une vague délégation à la Famille chez LR. Maigre consolation. Son rétropédalage reste en travers de la gorge des sympathisants de la Manif pour tous. « Ils ont une rage profonde contre Sarkozy. Ils le voient comme quelqu’un qui n’a pas de colonne vertébrale », confie Philippe Gosselin, l’un des députés qui ont activement ferraillé contre la loi Taubira en 2013. « Il ne se rend pas compte de l’impact que ce sujet a encore aujourd’hui. »

Aujourd’hui, c’est-à-dire à quelques mois de la primaire de novembre, qui verra la droite désigner son candidat à la présidentielle. Du côté des anti-mariage pour tous, on compte bien saisir cette occasion pour remettre – encore – le sujet sur la table. « Les primaires, c’est la troisième mi-temps de la Manif pour tous », martèle Sébastien Pilard. « Nous appellerons à participer à la primaire de la droite », indique pour sa part à Marianne Ludovine de La Rochère, présidente de la Manif pour tous.

Voter, d’accord, mais pour qui ? Signe de l’échec du mouvement à transformer l’essai politiquement, plus aucun des favoris pour la primaire n’entend s’attaquer au mariage pour tous. Alain Juppé s’y est finalement converti, après bien des atermoiements. Bruno Le Maire avait affiché la couleur dès 2013 en s’abstenant sur la loi Taubira. Quant à François Fillon, il plaide dans son livre Faire pour une « nouvelle écriture de la loi Taubira » mais prend bien soin de préciser : « Aucune majorité ne reviendra sur le mariage pour les couples homosexuels ». Résultat : « Beaucoup de nos sympathisants se sentent orphelins », admet Ludovine de La Rochère, tout en se disant convaincue que ses troupes suivront « de très près » la campagne de la primaire.

Le mouvement anti-mariage pour tous n’a débouché sur aucun électorat homogène

Difficile de dire quel sera le comportement de ces électeurs potentiels, tant les anti-mariage pour tous sont loin de former un bloc. « Le spectaculaire mouvement populaire qu’était la Manif pour tous n’a pas débouché sur la création d’un nouvel électorat homogène », explique Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d’entreprises de l’Ifop. « Aucun parti, aucun groupe politique ne peut revendiquer le soutien de ces centaines de milliers de personnes. » Le sondeur glisse tout de même que « les catholiques pratiquants participent beaucoup plus à la vie civique que la moyenne, même s’ils ne sont pas exactement assimilables à la Manif pour tous ».

De quoi jouer un rôle décisif dans la primaire ? Le député Jean-Frédéric Poisson, candidat du Parti chrétien-démocrate (PCD), a des doutes : « Je ne sens pas chez eux un enthousiasme débordant pour la primaire car il y a une réticence à l’engagement partisan. » Il y a aussi la tentation du vote Front national, qui a fortement progressé chez les catholiques aux régionales de décembre. Un électorat que tente notamment de capter Marion Maréchal-Le Pen, qui s’est affichée aux défilés de la Manif pour tous, contrairement à Marine Le Pen. « C’est un sujet. Pour toute une partie de cet électorat, la digue a cédé », s’inquiète un autre candidat à la primaire, le député Hervé Mariton.

Quelqu’un à droite parviendra-t-il à retenir ceux qui se détournent des Juppé, Sarkozy et Le Maire ? Dans les milieux proches de la Manif pour tous, un nom revient régulièrement : celui de Laurent Wauquiez. Le très droitier président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, promu numéro 2 de LR en décembre, entretient des relations suivies avec Sens commun, et la Manif pour tous en pense du bien. « Ce serait un candidat intéressant. Il a une cohérence, une capacité de leadership et il a été remarqué par notre public », s’enthousiasme Ludovine de La Rochère. Dans l’entourage de Wauquiez, on assure qu’une candidature à la primaire « n’est pas du tout à l’agenda du moment ». Tout en faisant remarquer que contrairement à Sarkozy, « il n’a pas changé de position » sur la loi Taubira. Pour ne pas insulter l’avenir ?

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