Dans le Nord, la presse quotidienne régionale et le Front national sont loin d’être réconciliés depuis les dernières élections. Quand les uns pointent du doigt, les autres répondent par un doigt d’honneur…
Dans la grande région Nord, les tensions entre le Front national et certains journaux ont atteint leur paroxysme lors des dernières élections régionales, La Voix du Nord décidant même de faire campagne contre le parti de Marine Le Pen en une. Depuis, les relations vont de mal en pis. Le FN attaque, les médias répliquent.
Avec sa couverture du 30 novembre, à quelques jours du premier tour des élections, La Voix du Nord franchit en effet une étape décisive, celle de se positionner officiellement contre le FN et Marine Le Pen, alors candidate en Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Invitée sur RTL le même jour, Marine Le Pen réplique, accusant le journal d’être « un tract du Parti socialiste », « contrepartie des neufs millions de subventions qu’ils ont touchées de la part du Conseil régional socialiste ». Elle laisse alors entendre qu’une fois élue, elle sucrerait ses subventions au journal.
La Voix du Nord ne s’arrête pas là et titre, le lendemain même, « Marine Le Pen et le FN ne sont pas ce qu’ils disent ». Comme réponse, la présidente du Front National adressera une lettre au directeur général du quotidien, accusé de « lancer une fatwa » contre « la moitié des gens de la région qui s’apprêtent à voter le 6 décembre ». Coup pour coup, donc.
Depuis, les choses ne se sont pas calmées, loin de là. Dernier épisode en date, le numéro de février du journal de la commune, Hénin-Beaumont c’est vous, qui accuse en une La Voix du Nord d’un « incroyable dérapage« . Le rédacteur en chef du bureau d’Hénin-Beaumont y est accusé d’avoir insulté les habitants de la commune lors d’une conférence filmée au Club de la presse du Nord-Pas-de-Calais. Dans la foulée, le journal est accusé de « ne pas respecter le principe de neutralité », de « déverser son fiel » sur les citoyens et de se servir de ses colonnes « comme d’un tract politique », La Voix du Nord réplique immédiatement via une tribune. On peut notamment y lire :
« Est-ce que les Héninois payent des impôts locaux pour voir un journal et ses journalistes traînés dans la boue ? Est-ce que les élus FN locaux sont payés pour écrire des textes diffamatoires sur une agence de presse locale ? N’ont-ils pas d’autres missions à assurer pour la ville et ses habitants ? »
La querelle remonte à bien avant les élections régionales, raconte à Marianne Anne-Claire Guilain, journaliste depuis 2006 à l’édition d’Hénin-Beaumont de La Voix du Nord. Elle affirme que, jusqu’alors, la rédaction avait préféré ne pas répondre aux attaques pour « éviter de leur donner une tribune qu’ils ne méritent pas ». Elle se souvient qu’en 2007, par exemple, Steeve Briois, désormais maire d’Hénin-Beaumont écrivait sur son blog que le rédacteur en chef, Pascal Wallard, « était au journalisme ce que la pornographie est à l’amour« . Classe… Les mesquineries n’ont depuis pas cessé. Exemple durant le défilé de la Sainte-Barbe ( Sainte-Patrone des mineurs) en décembre dernier : Bruno Bild, conseiller régional frontiste, défilant aux côtés de Marine Le Pen et Steeve Briois, fait un aimable doigt d’honneur à la journaliste en train de prendre des clichés du cortège en contrebas. Un cliché flou mais que la journaliste ne manque pas de partager avec Marianne (voir ci-contre).
« Depuis qu’ils ont été élus, poursuit–elle, ils ont pour nous une volonté de nuisance totale ». La journaliste pense que le FN est « dans un délire complotiste complet » et que ses membres « se victimisent, c’est leur stratégie de communication, ‘seul contre tous' ». Elle promet : « Maintenant, nous n’allons plus nous taire, et répondre point par point aux mensonges qu’ils ont proféré sur nous. »
Nord Littoral n’est pas en reste. Le quotidien a de son côté eu affaire aux insultes et menaces d’une grande violence de la part d’internautes. Des propos postés sur la page Facebook… de Gilbert Collard, avocat et député proche du FN. Ces réactions font suite à une couverture du journal qualifiant de « fachos » David et Gaël Rougemont, deux Calaisiens ayant eu une altercation avec des migrants lors d’une manifestation. Un terme « justifié » par le profil des deux hommes selon le quotidien mais un terme qui n’a pas plu à leur avocat, Gilbert Collard.
« Cette presse est abjecte : la même chose a- t-elle jamais été écrite pour l’avocat d’un terroriste ? », a-t-il écrit en relayant l’article sur son compte Facebook, générant un flot de commentaires haineux contre lesquels Nord Littoral a décidé de porter plainte. « Ces menaces ne sont pas rares, on a souvent ce genre de réactions sur Facebook, observe toutefois Philippe Henon, rédacteur en chef du quotidien avant de justifier l’utilisation du mot « facho ». Pour ce cas précis, on a titré « Gilbert Collard va défendre les deux fachos Calaisiens », dont l’un des deux, Gaël Rougemont, a sorti une arme dans une manifestation de migrants. On a enquêté sur cette famille. Un membre a déjà été jugé pour ratonnade. On les a retrouvé dans des manifs de Pegida et d’extrême droite. On a simplement dit que Gilbert Collard allait défendre ces deux fachos, et gratuitement. Appelons un chat un chat… Pour eux, cette appelation n’est sûrement pas péjorative. »
La hâche de guerre est en tout cas déterrée côté Gilbert Collard qui, entre temps, dans le magazine Valeurs Actuelles, a qualifié Nord Littoral de « journal de propagande » faisant du « journalisme de haine » par des « procédés de collabos »… et a lui aussi déclaré vouloir porter plainte contre le journal calaisien.
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