Derrière le général Piquemal : que fait Pegida à Calais ?

Derrière l’affaire du général Piquemal, arrêté samedi à Calais pour avoir participé à une manifestation interdite, il y a une initiative de Pegida France, émanation du mouvement d’extrême droite né en Allemagne « contre l’islamisation de l’Occident ». Qui sont-ils et que font-ils dans le pays ? Explications.

Avec ses 150 à 200 participants, le rassemblement de Pegida à Calais samedi 6 février aurait dû passer inaperçu. Mais l’arrestation du général Christian Piquemal l’a particulièrement mis en lumière. Cet ex-patron de la Légion étrangère, âgé de 75 ans, a été placé en garde à vue pour avoir participé à la manifestation interdite par le ministère de l’Intérieur. Son procès, prévu ce lundi en comparution immédiate, a été reporté à la suite de son admission à l’hôpital, son état de santé ayant été jugé « incompatible« . Si la réunion a été interdite par Bernard Cazeneuve, c’est en raison du risque qu’elle faisait peser « de troubles à l’ordre public ». En novembre dernier, à Calais déjà, un Coran avait ainsi été brûlé en en place publique lors d’une démonstration de Pegida (voir la vidéo ci-dessous). Mais au fait, que fait en France ce mouvement islamophobe qu’on connaissait jusqu’ici pour ses actions en Allemagne ? Explications.

Quel rapport entre le général Piquemal et Pegida ?
Sur son blog, Christian Piquemal qualifiait le rassemblement d' »apolitique« . « Je regrette de m’être trouvé avec eux« , a-t-il encore déclaré ce lundi de RTL. Reste que la demande d’autorisation de cette manifestation avait été déposée en préfecture par Pegida France, dans le cadre d’une “journée d’action internationale” initiée par le mouvement islamophobe né fin 2014 à Dresde en Allemagne (« Pegida » est l’acronyme allemand des « Européens patriotes contre l’islamisation de l’Occident« ). Laquelle journée d’action s’est d’ailleurs soldée par un échec dans la plupart des pays où elle avait lieu. A Calais, avant que la manifestation ne dégénère en échauffourées avec les forces de l’ordre, ses participants scandaient « On est chez nous! » ou encore « Migrants dehors« . Une xénophobie et une islamophobie qui, à la lecture des écrits du général, lient clairement sa ligne à celle de Pegida. Sur son blog de « Citoyens patriotes« , le gradé avait appelé à se rendre malgré l’interdiction au rassemblement.

Que fait Pegida en France ?
La version française de la mouvance est née en janvier 2015, juste après les attentats de Paris. Au cours d’une conférence de presse, l’idéologue d’extrême droite Renaud Camus, celui qui a théorisé le « grand remplacement« , annonce en présence d’une représentante allemande de Pegida le lancement d’une section française. Depuis, le développement du groupuscule est resté marginal, et son fonctionnement plutôt obscur. Renaud Camus a disparu de l’affiche, dont il a laissé la tête à un jeune inconnu de 25 ans, Loïc Perdriel. « On ne sait pas d’où il sort, et le profil particulièrement léger qui apparaît à la lecture de ses écrits sur les réseaux sociaux ne laisse pas penser qu’il est l’initiateur de grand chose« , relève poliment pour Marianne Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite (à ne pas confondre avec Renaud Camus). L’intéressé, également joint par Marianne, nous rabroue sèchement en entonnant l’air de : « Les médias sont tous pourris, je ne leur réponds pas« .

Que prône Pegida France ?
C’est la lecture de la prose de Loïc Perdriel qui nous en apprend donc un peu plus sur le personnage. Sur sa page Facebook, il manifeste depuis samedi son « respect » pour le général, un peu moins pour l’orthographe. Comme Christian Piquemal , il y appelle à se rendre à la manifestation malgré son interdiction. Quelques jours avant, il avait partagé un lien vers la page Wikipédia du « 6 février 1934 », ce jour où l’extrême droite avait fait trembler la démocratie. Au-delà, Loïc Perdriel dénonce en vrac l’islamisation de la France, son « gouvernement dictatorial« , « toutes ces merdes de politiciens qui trompent le peuple, tout (sic) ces rats qui viennent en conquérant (re-sic) et nous imposent leurs coutumes et traditions (…), toute cette vermine« . Enfin il partage des slogans du type : « L’islam tue, tuons l’islam« .

Quel poids a Pegida dans le pays?
En fait, si Pegida n’a pas besoin de s’aligner derrière une lumière, c’est que la mouvance est « minuscule« , indique Jean-Yves Camus. « Concrètement, Pegida se contente de se greffer sur des groupuscules locaux d’extrême droite« . Le tout porté à bout de bras par la nébuleuse classique : le Bloc identitaire, Résistance républicaine et surtout, Riposte laïque. Depuis le début, le site relaie systématiquement la moindre actualité de Pegida France. Et son fondateur Pierre Cassen, proche de Renaud Camus, était présent à son lancement. Aujourd’hui, Pierre Cassen se défend pourtant d’être derrière Pegida. Tout en louant le « courage » du jeune Perdriel à porter la manifestation de Calais et en dénonçant le « scandale » de son interdiction, il nous assure : « On relaie leur action, on travaille avec eux mais on n’est pas derrière. Le travail qu’ils font, Riposte laïque le faisait depuis longtemps« . « Pegida, se félicite-t-il, correspond aux nouveaux militantismes, pas du tout centralisés et qui partent d’Internet.« 

Et le FN dans tout ça?
Un nouveau militantisme qui ne prend pas dans un pays où le Front national atteint pourtant 25% aux élections. Paradoxe qui s’explique justement par le poids du FN dans le pays, analyse encore Jean-Yves Camus : « En Allemagne, le parti d’extrême droite NPD est marginal, il y avait un espace politique à prendre. En France, c’est le contraire, vous avez un parti nationaliste fort : si vous êtes attiré par ces thèses, vous n’avez pas besoin de descendre dans la rue avec Pegida, vous votez FN. » Ce week-end, une jonction a paru néanmoins se faire sur Twitter, par les voix notamment de Nicolas Bay, Gilbert Collard ou encore Marion Maréchal-Le Pen. « Soutien au général Piquemal, injustement et brutalement arrêté à Calais !« , a écrit cette dernière, tandis que l’avocat exprimait « sa honte« . Contacté par Marianne, Gilbert Collard récuse toutefois tout idée d’alliance avec Pegida : « Je défends le général parce je suis indigné qu’on arrête un homme de 75 ans qui a un casier judiciaire vierge et qui aurait pu répondre sans problème à une convocation judiciaire, sans qu’on ait besoin de le placer en garde à vue ! C’est ce principe que je défends mais je n’irais jamais manifester avec Pegida, je ne suis ni islamophobe, ni xénophobe« . En plus, souligne-t-il, « en l’arrêtant, ce sont ces abrutis qui en ont fait un martyr !« 

Le fait d’assumer ouvertement islamophobie et xénophobie, c’est justement ce qui pourrait empêcher une alliance ouverte du FN avec Pegida, conclut Jean-Yves Camus : « Ils soutiennent le général pour embêter le gouvernement, sur le thème de la ‘dictature socialiste’. Mais ce serait extrêmement imprudent d’aller plus loin, Pegida draine des profils que le parti tente justement d’éloigner dans son entreprise de dédiabolisation, ce n’est pas vraiment l’image qu’il veut donner« .

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