Femmes battues et meurtrières : Bernadette Dimet, une nouvelle affaire Jacqueline Sauvage ?

Le procès en appel de Jacqueline Sauvage, femme battue condamnée pour avoir tué son mari violent, a interrogé, ému la France et le président Hollande qui lui a accordé, la semaine dernière, une grâce partielle. A Grenoble se tient cette semaine le procès d’une autre femme victime de violences conjugales mais coupable, elle aussi, d’avoir abattu son époux. Va-t-elle bénéficier de la « jurisprudence » Sauvage ?

Il y a quelques jours, le président François Hollande accordait une grâce partielle à une femme battue devenue meurtrière, Jacqueline Sauvage, qui a tué son mari de plusieurs balles dans le dos après des décennies de violences conjugales. Condamnée à dix ans de prison, les magistrats n’avaient pas retenu la légitime défense malgré les injonctions des avocates de l’accusée, à la fois coupable et victime.

Cette semaine se tient à Grenoble un procès qui ne manquera pas de rappeler l’affaire Sauvage, et peut-être aussi d’émouvoir la France. La prévenue s’appelle Bernadette Dimet, elle a soixante ans, presque le même âge que Jacqueline, qui en a 68. Toutes les deux sont ouvrières. Jacqueline dans l’industrie pharmaceutique, Bernadette dans une usine de plastique.

Leurs maris, disons-le, les ont insultées, battues et parfois violées. Ils ont abusé de leur(s) enfant(s), dans le cas de Jacqueline, voire de leur sœur dans celui de Bernadette. Elles, pourtant, sont restées, au risque de leur vie. « On savait tous que ça finirait mal. Mais on pensait que c’est elle qui serait tuée, pas lui », confie aujourd’hui un membre du comité de soutien de Bernadette Dimet, cité par le Parisien.

Sauf qu’en 2012, toutes les deux basculent. Bernadette en janvier, Jacqueline en septembre. A quelques mois d’intervalle, elles tuent leurs époux à coups de fusil. La première vise le dos, la seconde la poitrine. Après près de trois ans de détention, Jacqueline Sauvage pourra bientôt retrouver la liberté, plus tôt que prévu grâce à l’intervention présidentielle. Son cas fera-t-il jurisprudence ?

Les avocats de Bernadette Dimet ont en tous cas opté pour une tout autre stratégie : ils ne plaident pas la légitime défense, comme la défense de Jacqueline Sauvage, mais tentent « d’obtenir une peine juste qui tiendrait compte des conditions d’existence ». « Je m’attacherai à démontrer qu’il n’y a pas eu de préméditation dans ce crime. J’essaierai de décrire un homicide volontaire commis dans un contexte très particulier de désespoir, qui a duré 39 ans, aux côtés d’un homme terrible », explique à metronews Frédéric Doyez, qui privilégie donc les circonstances atténuantes. Le verdict dira s’il a eu raison…

 


[MISE A JOUR] Vendredi 5 février, 18h45 :

Huit ans de prison avaient été requis ce vendredi à l’encontre de Bernadette Dimet. « Ne pas renvoyer Bernadette Dimet en prison serait dénier à Bernard Bert (son mari, ndlr) sa qualité d’humain« , avait lancé l’avocate générale, Thérèse Brunisso, dans son réquisitoire. L’accusée, qui a effectué 10 mois de détention provisoire de janvier à novembre 2012 encourait la réclusion criminelle à perpétuité pour assassinat. Elle a été condamnée à cinq ans de prison avec sursis et ressort donc libre de son procès.

Les deux parties sont bien sûr longuement revenues sur le déroulé du meurtre. Le 2 janvier 2012, après une altercation avec son mari, Bernardette Dimet s’était rendue, armée d’un fusil de chasse, dans une clairière de Parmilieu (Isère), et avait tiré deux cartouches dont l’une avait touché mortellement son mari.

« Je suis partie dans l’intention de me suicider. Il m’a poursuivie, s’est approché de moi et m’a fait peur. Le coup est parti« , avait-elle affirmé jeudi à la barre. L’avocate générale avait contesté cette version, soulignant que l’accusée n’avait pas besoin de se munir de quatre cartouches si elle voulait se suicider et qu’elle avait dû appuyer à deux reprises sur la gâchette avec « une force importante » : « Elle ne tire pas pour lui faire peur. Sinon, elle aurait tiré en l’air ou dans les jambes« .

La magistrate n’a pas nié en revanche les « violences physiques et psychologiques« , le « harcèlement« , les « menaces » dont l’accusée dit avoir été victime pendant quarante années de vie conjugale. Mais ces violences ne donnent « pas de permis de tuer« , avait-elle lancé. Revenant bien sûr sur l’affaire Sauvage, elle a tenté d’en éloigner le spectre en écartant la légitime défense et en qualifiant d' »hérésie juridique » la notion de « légitime défense différée« . Et d’inviter les jurés à « laisser de côté » tout ce qu’ils avaient lu à ce sujet « parce qu’aucune affaire criminelle ne ressemble à aucune autre« . A l’issue des réquisitions, l’accusée s’était écroulée en sanglots silencieux. Elle peut désormais respirer.

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