Déchéance de nationalité: la solution du vieux sage Robert Badinter

L’ancien garde des Sceaux de François Mitterrand remet en cause dans une tribune publiée ce matin dans « Le Monde » l’efficacité du projet de révision constitutionnelle visant à inscrire la déchéance de nationalité dans la loi fondamentale. Tel un vieux sage qui a laissé les parlementaires s’écharper ces derniers mois, Robert Badinter avance sa solution.

Il l’avait promis. Après avoir été au coeur de l’actualité pour son rapport sur le code du travail, Robert Badinter avait annoncé sur France Inter le 26 janvier son intention d’entrer dans le débat sur la déchéance de nationalé. Une question juridique au coeur de son domaine de compétence, lui, l’ancien président du Conseil constitutionnel. C’est donc chose faite : Robert Badinter a livré pour la première fois ses vues sur le projet de révision constitutionnelle dans une tribune publiée dans le Monde ce matin. Un sens du timing parfait puisque la révision constitutionnelle commence à être étudiée aujourd’hui même au Palais Bourbon. S’il ne critique pas la déchéance de nationalité en elle-même, Robert Badinter émet de sérieux doutes sur l’efficacité du projet de révision. Et expose sa solution.

« Pourquoi, aujourd’hui, ces réactions passionnées, à l’égard d’une déchéance de nationalité qui paraissait communément acceptée ? », débute en philosophe Badinter, pour qui la déchéance de nationalité est un outil utile tant qu’il « vise des criminels condamnés pour « atteinte grave à la vie de la nation » » et non uniquement une partie déterminée de la population, à savoir les binationaux. Ce que distingue déjà l’article 25 du code civil en refusant de rendre apatrides les mononationaux. L’auteur de L’Exécution se fait ainsi l’avocat de l’élargissement de la déchéance de nationalité à tous les Français et non aux seuls binationaux, afin d’éviter toute discrimination. Au moins, Robert Badinter peut se satisfaire de la dernière version du projet présentée le 28 janvier par Manuel Valls devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, qui ne comporte finalement pas de référence à la binationalité.

« Il n’est point besoin de recourir à une révision constitutionnelle »

Le prédécesseur de Roland Dumas au Palais Royal propose ses solutions : il s’oppose à la révision constitutionnelle, précisant qu’ « il n’est point besoin enfin de recourir à une révision constitutionnelle », lui préférant une simple loi ordinaire. Comment ? En « remplaçant dans l’article 25 (…) la référence à celui « qui a acquis la qualité de Français » par la mention « tout Français » » afin de « supprimer du texte la distinction entre Français de naissance et Français par acquisition de nationalité ».

« Laisser à cette déchéance toute sa portée morale »Il refuse également l’extension de la déchéance à des délits et souhaite la réserver aux seuls crimes de terrorisme « pour laisser à cette déchéance toute sa portée morale ». Sans doute guidé par son expérience à la tête du Conseil constitutionnel, il suggère également à Manuel Valls de saisir lui-même les Sages à l’issue du débat, et de l’annoncer d’ores et déjà. « Ainsi, dans un délai d’un mois après le vote de la loi, la question de sa conformité à la Constitution serait réglée par le Conseil constitutionnel ». L’aura du vieux sage se propagera-t-elle pour autant dans l’arène parlementaire ces prochains jours ?

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply