Sur une heure de dialogue avec six Français sélectionnés par ses soins face à Nicolas Sarkozy, France 2 n’a réussi, jeudi soir dans « DPDA », qu’à accorder 5 petites minutes au dernier d’entre eux, un syndicaliste de la CGT. Avant de lui couper purement et simplement le micro.
Les Français à la rescousse de leurs ministres. Sans membre du gouvernement à présenter sur le plateau de “DPDA” pour contredire Nicolas Sarkozy (tous s’étant défilés les uns après les autres), France 2 a décidé jeudi soir de placer l’ex-chef de l’Etat sur le retour face à un panel de six citoyens.
“C’est parti pour une heure de discussion, cordiale mais franche, vous avez carte blanche« , promet David Pujadas à ses invités, qui n’auront pas pour autant l’honneur de s’asseoir à la table du politique.
Premier à intervenir, Willliam Lecart, 28 ans, tenancier d’un bar-épicerie dans un village du Médoc. Question : “J’ai voté pour vous en 2007, j’ai été déçu (…) pourquoi est-ce que je ne devrais pas voter le Front national ?” Réponse : “Quand nous avons connu la crise, 2008-2010, que le monde s’est écroulé (…) croyez-vous vraiment qu’elle (Marine Le Pen, ndlr) aurait pu tenir la barre du navire France ?”
« Parce que les normes, on n’en peut plus”
Nicolas Sarkozy déroule ensuite son argumentaire sur le trop-plein de charges et de lourdeurs administratives qui écrase les petits entrepreneurs, “parce que les normes, on n’en peut plus”. Mais William n’est pas convaincu, tout buté qu’il est sur ce fait : “Vous avez été au pouvoir (…), pourquoi vous ne l’avez pas fait ?” Têtu, mais pas méchant. D’ailleurs Nicolas Sarkozy aura beau jeu de sortir la carte de la compréhension, quand David Pujadas demandera à son interlocuteur s’il a changé d’avis au cours de cet échange de 10 minutes : “Il vous prend pour un derviche-tourneur !”
Intervient ensuite Valérie de Boisrolin, mère de trois enfants dont Léa, partie en Syrie lorsqu’elle avait 16 ans avec un garçon qui lui a fait un enfant. Question : “Que feriez-vous s’il y a des retours de ces jeunes ? Et qu’est-ce qu’on fait de ces enfants (nés en Syrie, ndlr) si jamais ils reviennent en France ?” Là, le terrain est personnel, difficile, glissant… Nicolas Sarkozy s’y aventure prudemment puis s’enhardit sur ses sujets de prédilection : consultation de sites djihadistes rapportée à celle de sites pédophiles, centres de rédicalisation, expulsion des imams qui prêchent contre les valeurs de la République… Les solutions pleuvent comme à Gravelotte sur le plateau, jusqu’à un tacle final à François Hollande et ses atermoiements autour de la déchéance de nationalité. Une séquence de 15 minutes, la plus longue des six, très remarquée et salué sur Twitter pour sa bonne tenue.
David Pujadas enchaîne, pour 11 minutes de dialogue avec Bénédicte Pételle, institutrice qui a recueilli un migrant chez elle. Puis huit avec Fatim Dramé, juriste sans emploi qui veut évoquer les discriminations à l’embauche. Ou encore dix avec William Branly, chef d’une PME et adhérent UDI qui veut savoir, comme son homonyme du Médoc, pourquoi il revoterait Sarkozy après avoir été, lui aussi, tellement déçu.
« Deux chefs d’entreprise se sont exprimés sur le poids des charges »
Vient enfin le moment de Karl Ghazi, secrétaire de la CGT Commerce. Son fait d’armes : la croisade contre le travail dominical et de nuit à Paris. Sa faiblesse : il passe en dernier. Et il le sait : “Je voudrais d’abord que vous me rassuriez sur le temps qu’il me reste…” “Allez, cinq minutes”, lui lâche, bon prince, l’animateur de la soirée. “C’est un petit peu court« , ose l’impertinent, faisant remarquer à juste titre qu’”il y eu deux chefs d’entreprise qui se sont exprimés sur le poids des charges, il serait bien peut-être aussi d’entendre un peu longuement la parole des salariés…” Peut-être, mais non : dès la fin de sa question – un tantinet longue, il faut bien l’admettre, mais lui n’en aura qu’une et il le sait -, le gong retentit sur le plateau !
Flexibilité, droits sociaux, chômage, il est alors urgent de balayer les sujets : François Langlet trépigne dans les starting-blocs. C’est à peine si le syndicaliste aura le temps de balancer à l’ancien président qu’il n’a “pas changé” et de lui glisser une pique sur son rapport “fâché” aux chiffres – “On le sait, vos comptes à la présidentielle…”. Le cégétiste aura beau contester, protester, renâcler devant ce temps qui file à toute allure, David Pujadas s’impatiente face à cet homme qui ne veut pas se taire. Alors, aux grands maux les grands moyens, la production finira tout simplement par éteindre son micro.
Fermez le ban, donc, et pour les salariés, on repassera. On ne se souvient pas d’autant de célérité, ni de sévérité, avec une certaine Wiam Berhouma qui, le 21 janvier sur le même plateau, avait pris de longues minutes pour reprocher à Alain Finkielkraut d’alimenter les discriminations envers les musulmans avant de lui lancer : “Taisez-vous”. Cette fois-ci, personne n’a dit à quiconque de se taire : on a juste coupé le sifflet du syndicaliste.
>> Face à Finkielkraut dans DPDA, une intervenante pas si neutre
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