Sortie de l'euro : les "libéraux" du FN veulent se faire entendre

Face à la ligne étatiste incarnée par Florian Philippot, plusieurs cadres plaident pour adoucir le discours économique du parti et mettre davantage l’accent sur la liberté des entreprises.

Le Front national va débattre, et c’est déjà un événement en soi. Ce parti au fonctionnement habituellement très vertical organise à partir de vendredi et pendant trois jours un séminaire qui réunira une soixantaine de cadres, parlementaires et personnalités sympathisantes. Selon L’Opinion, c’est le huis clos du Country-club d’Etiolles, dans l’Essonne, qui abritera les réflexions frontistes. « C’est à la fois au vert et facile d’accès pour tout le monde. On ne fait pas ça au siège, sinon tout le monde ira sans arrêt passer des coups de fil dans son bureau », sourit un cadre interrogé par Marianne.

Officiellement, l’objectif est de passer en revue tous les sujets cruciaux à l’approche de l’élection présidentielle. Du programme frontiste à un éventuel changement de nom en passant par le choix des futurs candidats aux législatives, la discussion se veut sans tabou. Au passage, il s’agit aussi de donner l’image d’un parti comme les autres, qui prend le temps de l’introspection et du débat avant les grandes échéances électorales.

Plusieurs cadres contestent la ligne très étatiste de Florian Philippot.

En coulisses, l’organisation de ce séminaire traduit toutefois des frictions internes. Car en tête de la pile de dossiers à débattre figure le programme économique du FN. Et sur ce sujet, plusieurs cadres contestent la ligne très étatiste de Florian Philippot, le très puissant vice-président à la stratégie et la communication, qui ne manque jamais une occasion de vanter les bienfaits d’une sortie de l’euro.

La fronde a été lancée par Louis Aliot, autre vice-président du parti. Au lendemain du second tour des élections régionales de décembre, celui qui est à la ville le compagnon de Marine Le Pen met le sujet sur la table en bureau politique. Pour lui, l’incapacité du FN à conquérir la moindre région s’explique par la peur qu’inspirerait son programme économique. « D’autres étaient d’accord avec lui et Marine a rebondi en proposant d’en débattre, mais pas dans un format classique », raconte un participant. C’est là que serait née l’idée du séminaire.

Mais pour bien faire passer le message, Louis Aliot lance une petite bombe en réclamant publiquement un rééquilibrage du discours du FN vers les préoccupations des entreprises, au lieu de se concentrer sur la politique monétaire. « Nous devons décentrer un discours trop focalisé sur des questions particulières. Personne n’a de débat avec Florian Philippot », déplore-t-il dans une interview au Figaro le 19 janvier. Le lendemain, le nouveau secrétaire national aux fédérations du parti, Jean-Lin Lacapelle, étrenne ses fonctions de manière tonitruante en embrayant sur les déclarations d’Aliot. Dans une interview accordée à l’hebdomadaire d’extrême droite Minute, il estime que le FN doit s’interroger « pour voir si l’on peut préserver l’euro ou le faire évoluer » ou « changer de monnaie ».

« Désormais, notre potentiel de progression se situe à droite. »

Sans aller jusque là, le trésorier du FN, Wallerand de Saint Just, compte lui aussi parmi ceux qui prônent un assouplissement du discours. « On ne peut pas avoir un programme satisfaisant tout le monde, sinon notre électorat s’effilochera complètement. Mais dans la façon de le présenter, nous devrions mettre l’accent sur les entreprises et les entrepreneurs », explique-t-il à Marianne. Et sur le plan macro-économique, nous devons dire sans dogmatisme que, si besoin est, nous gardons la possibilité de reprendre notre souveraineté monétaire. » Une version très soft de vendre la sortie de l’euro, destinée à conquérir un électorat déçu par la droite, mais qui hésite encore à franchir la digue. « Notre stratégie a permis de toucher des électeurs de tous horizons, et notamment à gauche. Désormais, notre potentiel de progression se situe à droite », affirme de son côté le secrétaire général du FN, Nicolas Bay.

La branche des « libéraux » compte aussi dans ses rangs la députée Marion Maréchal-Le Pen, qui aime à insister sur la réduction de la fiscalité pour les entrepreneurs plutôt que sur la fin de l’euro ou la retraite à 60 ans, qui figuraient au programme de sa tante en 2012. Robert Ménard, soutenu par le FN même s’il n’en est pas membre, prône lui aussi un infléchissement du discours. « Faire de la sortie de l’euro l’alpha et l’oméga de toute politique me semble une mauvaise idée. Et ne pas dire plus fortement que l’Etat ne doit pas intervenir dans tous les domaines, je pense que c’est aussi une erreur », a martelé le maire de Béziers vendredi dernier sur France Info. Robert Ménard aura l’occasion de le redire aux dirigeants du FN, puisqu’il participera au séminaire de ce week-end.

Sentant le vent du boulet, Florian Philippot a bien tenté de siffler la fin de la récréation, en affirmant solennellement le 20 janvier que « la position du FN, et celle qu’a toujours défendue Marine Le Pen et qu’elle défendra en 2017, c’est la fin de l’euro ». En réalité, le numéro 2 du parti n’apprécie pas tellement de voir remis en question le programme qu’il a inspiré à Marine Le Pen. L’idée du séminaire l’a donc moyennement enchanté. « Bien sûr, Philippot voulait freiner », glisse un cadre dirigeant. Peine perdue, la grande explication aura bien lieu.

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