Cohn-Bendit choisit "le moins pire" : Juppé

Et si ce soutien à demi-mot illustrait le besoin d’apaisement de beaucoup de Français et le rejet d’un nouveau duel Hollande-Sarkozy ?

On connaît Daniel Cohn-Bendit pour son franc-parler. Depuis Mai-68, il serait l’icône d’une gauche qui n’aurait pas bradé son idéal, malgré un passage au Parlement européen qui démontre que la coqueluche de l’extrême-gauche s’est facilement glissée dans le costume de député. « Dany », devenu plus vert que rouge, s’est tout de même transformé un peu, presque « notabilisé », comme le remarquait Alain Juppé en novembre 2015 sur LCI : « J’ai beaucoup évolué par rapport à Daniel Cohn-Bendit. Je me souviens de 68, j’étais à l’École normale à cette époque-là et j’étais un des rares normaliens à ne pas être marxiste ni maoiste, et lui était en face, sur les barricades », rembobinait l’ancien Premier ministre et désormais candidat à la primaire de la droite en 2016. « Maintenant je l’écoute tous les matins sur Europe 1 et je me dis voilà, je ne sais pas si j’ai changé mais lui a changé ! »

Derrière la petite pique, on sentait presque une forme de complicité. Et ça n’a pas manqué : Cohn-Bendit aussi y va de sa petite douceur dans une interview au Monde publiée ce dimanche 31 janvier. Évoquant l’élection présidentielle de 2017, celui qui est désormais retiré de la vie politique résume les choses ainsi, alors qu’on lui demande pourquoi il écorche rarement la figure d’Alain Juppé: « On se trouve dans une situation tellement folle que c’est la primaire de la droite qui élira le prochain président de la République ! Donc si on me demande ma préférence, je choisis le moins pire : Juppé, lequel ne prétend d’ailleurs qu’à un mandat », justifie Dany, dans un élan de sincérité. « Ça calmera temporairement ce pays pour que se reconstitue une gauche, des gauches, une force écologique, bref, une alternative. Le cauchemar absolu serait un deuxième tour Sarko-Le Pen ! »

Un peu plus tôt, en 2009, Alain Juppé déclarait déjà presque sa flamme à Cohn-Bendit en racontant une anecdote. Alors qu’il écoutait la radio, trois ou quatre jours avant les élections européennes, où Europe-Écologie Les Verts avait recueilli près de 16% des voix, il s’était dit : « Voilà quelqu’un qui y croit et qui continue à en rêver et qui me donne envie de voter pour lui. Au dernier moment j’ai reconnu la voix de Cohn-Bendit ! Je me suis repris et je suis rentré dans le rang, mais je crois qu’il faut noter qu’il a donné à son projet un fort contenu européen et un fort contenu écologique. »

Un “renouveau“ politique grâce à Juppé ?

Et si ces anecdotes en disaient plus long qu’elles n’y paraissent ? Prétextant son âge et sa déjà longue carrière politique, Alain Juppé a souvent clamé qu’il ne ferait qu’un seul mandat, pour aider la France à se relever. L’ancien Premier ministre caracole en tête dans tous les enquêtes d’opinon. Dans un sondage Odoxa paru le 1er janvier, Alain Juppé était la seule personnalité politique dont une candidature à la présidentielle était souhaitée par la majorité des français (56%). Mi-janvier, un autre sondage Odoxa pour Le Parisien nous apprenait qu’il était la personnalité politique préférée des Français (57% d’opinions favorables) devant Emmanuel Macron (53%). François Bayrou arrive également régulièrement sur le podium de ces personnalités politiques.

À eux trois, et même s’ils n’incarnent pas forcément un « renouveau » au sens strict du terme (Juppé et Bayrou ont été ministres et sont là depuis longtemps, Macron est un pur produit de l’élite à la française…), ils symbolisent une forme d’entente entre le centre-gauche et le centre-droit, pour réaliser des réformes nécessaires. Ils représentent aussi une façon plus apaisée de faire de la politique, ne profitant pas des clivages mais essayant d’obtenir un consensus plutôt que de jouer sur les ruptures. Contrairement à Nicolas Sarkozy, par exemple.

Dans un avenir qui semble bouché à gauche, Daniel Cohn-Bendit, qui ne s’est jamais caché d’être un social-démocrate plutôt centriste, en vient donc à penser une présidence Juppé comme un moindre mal. Une sorte de trève qui laisserait du temps aux autres partis pour se recomposer idéologiquement… et proposer une vraie alternative, solide, pour 2022. 

 

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