Primaire américaine : qui est Bernie Sanders, l'anti-Trump qui inquiète Hillary ?



Bernie Sanders est la surprise de la primaire démocrate : ce vieux militant rassemble des foules et fait briller les yeux de la gauche du parti, qui souhaite une approche plus radicale que celle de l’ex-First Lady.


Il était jusqu’ici la chenille urticante d’Hillary Clinton dans les sondages. Mais dans la dernière ligne droite avant le « kick-off » de la primaire démocrate lundi 1er février, Bernie Sanders est devenu papillon de lumière, en prenant la tête de certains sondages dans les deux Etats qui lanceront les festivités : l’Iowa et le New Hampshire. Et s’il était temps de le prendre au sérieux ?

Pour le résumer à la française, disons que « Bernie » est de la génération de Juppé (il aura 75 ans au moment de l’élection), porte l’étiquette de Hollande et se positionne comme un Mélenchon de la primaire démocrate. Longtemps, il a surtout été remarqué pour son allure, qui dénote dans la sphère politique. Autant par sa mise de vieux militant belliqueux des années 60 que par le style de sa campagne : loin des machines Clinton et Trump, lui n’accepte pour la financer que les petits chèques de particuliers. Mais peu à peu, dans un pays où s’assumer « socialiste » colore plus d’un rouge muleta que d’un rose pâle, ses accents d’Occupy Wall Street l’ont rendu populaire auprès de la jeunesse, que le brushing sérieux de la dame Clinton n’électrise pas. Comme Trump à droite, les saillies imbéciles en moins, Bernie paraît répondre à un profond besoin de changement dans l’électorat démocrate.

De fait, à côté de la très sérieuse ex-First Lady, le sénateur du Vermont fait figure de radical. Dénonçant un système économique « truqué« , manipulé par Wall Street et les lobbies, ainsi qu’un Congrès « qui appartient aux puissances de l’argent« , il propose rien de moins qu’une « révolution politique« . 

Bernie Sanders ambitionne notamment d’aller bien plus loin qu’Obama sur un sujet pourtant porté au crédit du président démocrate sortant : la couverture santé. « L’assurance maladie devrait être un droit pour chaque homme, femme et enfant« , martèle-t-il, citant des pays européens en exemple : « Pourquoi dépensons-nous trois fois plus que les Britanniques, qui ont une couverture universelle, ou 50% de plus que les Français ? » Une proposition dont le coût (qu’il a chiffré à 1.380 milliard de dollars par an) doublerait tout simplement le budget fédéral, ce que le socialiste se propose de financer par de nouveaux impôts. Ceux-ci cibleraient bien sûr les riches, avec notamment une nouvelle tranche à 52% pour les revenus supérieurs à 10 millions de dollars. Une idée qui, outre-Atlantique, fait le même effet qu’un certain « 75% » en France en 2012… 



Hillary Clinton a donc beau jeu de critiquer l’irresponsabilité budgétaire suposée d’une telle refonte. Et rappelant à quel point l' »Obamacare » avait été accouché dans la douleur, l’ex-secrétaire d’Etat argue qu’il serait dangereux de le « mettre en pièces » et de rouvrir un débat aussi sensible. Consciente que les classes moyennes pourraient s’effaroucher des drapeaux de la révolution, la candidate s’en est faite la porte-voix : « Je suis la seule candidate à avoir promis de ne pas augmenter les impôts sur la classe moyenne« . Mais le discours de Bernie porte. Et sa pole position dans un sondage de l’Iowa, à trois semaines du vote, a réveillé de mauvais souvenirs chez la dame Clinton. Si ce petit Etat rural ne distribue qu’environ 1% des délégués pour les conventions d’investiture de juillet, c’est en effet là qu’un certain Barack Obama avait créé la surprise en la battant lors de la primaire démocrate de 2008. Le début d’une dynamique dont on sait où elle a mené le sénateur de l’Illinois…

Signe que lui-même commence à y croire, Bernie a cherché lors du dernier débat télévisé, lundi 25 janvier, à adoucir son image de gauchiste, afin de convaincre les démocrates qui hésiteraient à traduire leur enthousiasme dans les urnes de peur qu’il ne perde la présidentielle s’il était investi. « Les idées que je propose ne sont pas radicales« , a-t-il assuré, citant en exemples pratiques la Scandinavie et l’Allemagne. Et à une électrice qui s’inquiétait de son étiquette « socialiste démocrate« , il a répondu qu’il s’agissait seulement de défendre un droit à « la sécurité économique« . Histoire que son slogan #FeelTheBern (« Sentez le Bernie ») ne se transforme pas en #FearTheBern (« Craignez-le »).

Preuve qu’elle sent le danger Bernie, la favorite démocrate des sondages est passée à l’attaque lors des derniers débats qui les ont opposés. Misant tout sur sa propre expérience, à la Maison-Blanche puis surtout au secrétarait d’Etat, elle pointe le fait qu’il n’aurait pas les épaules pour le job : « C’est le travail le plus dur du monde. On choisit un président et un commandant en chef« . Un ultime argument que Bill a été chargé d’aller marteler dans l’Iowa : « Vous avez besoin de quelqu’un qui a prouvé qu’elle était capable de se battre« , y a lancé l’ex-Président. Le sortant a aussi mis son poids dans la balance lundi dernier, sur le même air : « Elle peut gouverner et être prête dès le premier jour« . Et Barack Obama d’ajouter, comme pour l’excuser du manque de chaleur qui pourrait la desservir dans ce duel : « Sa force – le fait qu’elle a une expérience extraordinaire et qu’elle connaît tous les dossiers par coeur – peut parfois la rendre plus prudente et donner à sa campagne une tonalité plus proche de la prose que de la poésie« .
 Reste qu’en 2008, les démocrates avaient choisi la flamboyante poésie…

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