Le principe n’était pas encore entré dans le code du travail, Robert Badinter veut y remédier. Dans son rapport rendu ce 25 janvier au Premier ministre, l’ancien Garde des Sceaux dégage les « principes essentiels » sur lesquels devra s’appuyer le nouveau code du travail d’ici à la fin 2017. Parmi les 61 articles, la laïcité dans l’entreprise est évoquée.
Selon Le Monde, le comité Badinter veut entériner « la liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses« , tout en l’encadrant strictement. Des restrictions pourront être apportées à cette liberté au nom d’autres « droits fondamentaux » ou « du bon fonctionnement de l’entreprise« . Concrètement, décrypte le quotidien, un employeur pourra demander à son salarié de mettre fin à certaines attitudes, comme le refus de serrer la main d’une femme ou la prière sur le lieu de service, si cela perturbe « le bon fonctionnement de l’entreprise« .
Les principes érigés dans le rapport Badinter peuvent déjà se retrouver dans la pratique. Mais le fait d’inscrire la laïcité dans le code du travail constituerait une réelle nouveauté. Jusqu’ici, le religieux est rattaché à l’article L1121-1 consacré au « respect des droits et libertés dans l’entreprise« . Il y est indiqué que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.«
Traduction concrète : l’employeur ne peut pas interdire au salarié d’exprimer sa conviction religieuse dans l’entreprise. En revanche, il peut poser certaines limites. Le site service-public.fr les décrit
ici. En vrac : l’employeur peut restreindre le droit d’expression religieuse du salarié s’il s’oppose à la bonne marche de l’entreprise. Une revendication liée à la religion (autorisation d’absence pour fêtes, demande d’aménagement du temps de travail pour les prières…) ne peut pas s’imposer face aux nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise. La pratique religieuse du salarié doit être compatible avec ses horaires, le respect des lieux de travail et les tâches qui lui sont confiées. L’employeur peut restreindre ce droit d’expression religieuse pour des raisons d’hygiène sanitaire, de santé ou de sécurité au travail. Etc.
De par sa formulation, cette règle du code du travail reste cependant floue, ce qui oblige parfois les juges à trancher… et, selon les situations, ils ne tranchent pas toujours dans le même sens, notamment sur la question du port d’un vêtement religieux. Dans
certains cas, le licenciement d’une salariée voilée a pu être accepté «
pour cause réelle et sérieuse« . Dans d’autres, la salariée a dû être réintégrée à l’entreprise.
Un flou que viserait donc à réparer la proposition Badinter, à condition que sa retranscription écrite soit suffisamment précise. L’invocation d’autres « droits fondamentaux » qui primerait sur la liberté religieuse peut notamment toujours sembler vague. Quant au « bon fonctionnement de l’entreprise« , il apparaît déjà aujourd’hui dans les cas de litige comme une donnée bien subjective. Manuel Valls s’est en tout cas d’ores et déjà félicité d’une recommandation qui « ancre le principe de laïcité dans l’entreprise », a-t-il confié au Monde. « Je m’en réjouis et le gouvernement y donnera suite dans la loi ». A voir.
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