On n’avait plus entendu parler de Jawad Bendaoud depuis son furtif mais mémorable passage devant les caméras de BFM. Il avait seulement voulu rendre service, disait-il le 18 novembre dernier, en plein assaut du RAID contre la planque du coordinateur présumé des attentats de Paris. Planque qu’il a lui même louée à l’intéressé sans savoir ni même se douter de son identité. C’est en tous cas la version qu’il défend dans une lettre adressée, selon l’Obs, aux juges en charge de l’enquête.
Il voulait juste « rendre service ». Quand il prononce ces quelques mots, le 18 novembre dernier devant une caméra de BFM, Jawad Bendaoud, le logeur d’Abdelhamid Abaaoud, coordinateur présumé des attentats de Paris et de ses complices n’imagine pas un instant qu’il s’apprête à passer pour un con. Il fera pourtant marrer la toile pendant des jours entiers alors que nombre de Français sont encore sous le choc et l’effroi des attentats perpétrés quelques jours plus tôt.
Mais depuis ce 18 novembre, on ne l’avait plus entendu. Arrêté quelques instants à peine après ce moment de télévision, osera-t-on dire de gloire, en plein assaut du RAID à Saint-Denis, Jawad Bendaoud, a en effet été placé en détention, d’où nous parvient aujourd’hui la longue lettre qu’il a adressée, mi-décembre, aux juges chargés de l’enquête.
Rendu public par l’Obs, le contenu de ces 18 pages manuscrites, aux traits presque « enfantins » précise l’hebdomadaire, rend compte du basculement d’un « marchand de sommeil à ses heures perdues », qui dément tour à tour avoir eu connaissance de l’identité de ses étranges locataires et appartenir à Daech.
« Je ne savais pas que des Belges avaient participé à des attentats. Si j’avais su oui, j’aurais pu tilter » explique ainsi Jawad Bendaoud dans la lettre. Car le 13 novembre au soir, alors qu’il « mange des lentilles au bœuf » avec son père « dans le salon » (…) « le mot Belgique » n’est, dit-il, prononcé à aucun moment.
Ce n’est pas tout à fait la version qu’en donne sa petite amie dans les différents SMS qu’elle échange avec lui le 18 novembre, dès l’aube. « Je m’en doutais putain », « Je te l’avais dit en plus, c’est chelou », lui a-t-elle de fait écrit, selon le Monde. Message auquel lui même répond toujours d’après le quotidien du soir : « Vazy même moi j’ai trouvé ça suspect… »
Mais dans sa lettre aux juges, Jawad Bendaoud choisit de s’en tenir à sa ligne de défense. « Le monsieur Abaoud, le chef de Daech ou je ne sais pas quoi je ne l’ai vu que 5 minutes, le temps qu’il soit rentré dans l’appartement et que je lui fasse visiter. »
D’ailleurs il était « habillé comme un jeune normal, (…) rasé, (…) pas de barbe, il portait un bob et son complice une casquette bleue de basket ball américain (…) A aucun moment je n’ai senti une ambiance terroriste ou dangereuse dans la location de l’appartement ». Plus surprenant, le logeur nie avoir vu de ses « yeux » une quelconque arme. Le rapport des forces de l’ordre fera quant à lui état de 5000 munitions tirées côté policier lors de l’assaut du RAID.
Quant à son adhésion à l’Etat islamique, que le Parisien expliquait en raison de sa proximité avec un membre du groupuscule Ansar al-Fath notamment en lien avec le Groupe salafiste pour la prédication et le combat algérien (GSPC), au centre de détention de Val de Reuil (dans l’Eure), lors d’une précédente condamnation pour homicide involontaire, Jawad Bendaoud l’a balaie d’une main. « Je n’ai rien à voir avec Daech, ni de loin ni de près » affirme-t-il.
La preuve, la « dernière fois » qu’il a prié il avait « 16 ans » et n’a par ailleurs « jamais fréquenté de mosquée ». Il fait de surcroît « tout ce qu’un bon musulman ne ferait pas. » Une version que tend à corroborer l’image qu’en a gardé une famille de détenu qui a côtoyé Bendaoud à l’occasion de parloirs. « Il disait bonjour, était poli. Mais au quotidien en prison c’était plutôt le genre trou du cul », loin de l’image de caïd radicalisé qui s’est construite de lui à l’extérieur, une réputation aux allures toutefois grandguignolesques malgré sa sympathie affichée pour la cause djihadiste : « j’ai peut-être dit que j’allais faire tout péter en sortant, concède-t-il. (…) c’était parce que j’étais énervé […] J’y ai peut-être pensé en prison, mais une fois sorti, tout est sorti de ma tête. »
Avec une simple phrase donc, « j’ai rendu service monsieur » Jawad Bendaoud, habitué à flirter avec les mauvaises fréquentations, est « passé, confie-il d’une vie normale à une vie d’enfer ». « Mon nom de famille a été sali, je fais l’objet de parodie, de blague », écrit-il aux juges avant de se considérer comme un « bouquet missaire » (sic).
« Je n’ai pas demandé à être filmé par ce foutu cameraman, poursuit-il, il m’a entendu dire aux policiers que j’étais le loueur de l’appartement, il a allumé sa caméra si j’avais su ce qu’aurait causé cet interview je n’aurais jamais parlé. »
Comment explique-t-il alors qu’un numéro belge l’a contacté dix jours avant les attentats ? Un numéro qui sera par la suite en contact avec un autre numéro, belge également, en lien le lendemain des attentats avec les terroristes ?
Justement, Jawad Bendaoud ne l’explique pas. Ni aux juges ni aux familles des 130 morts et centaines d’autres victimes des attentats de Paris.
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