C’est un vrai « moment de télévision » qui s’est déroulé hier soir sur le plateau de l’émission « Des paroles et des actes », avec un Alain Finkielkraut en difficulté face à l’interpellation d’une personne du public. Mais rapidement, plusieurs internautes vont alerter sur les liens de la jeune enseignante avec le Parti des indigènes de la République. Encore une fois, le téléspectateur n’a pas eu tous les éléments en main pour comprendre le parti pris de l’intervenante. Un exemple parmi d’autres.
C’est la vidéo qui tourne en boucle. Hier, sur le plateau de l’émission Des paroles et des actes, l’échange tendu entre l’essayiste Alain Finkielkraut et Wiam Berhouma a fait le tour du web. Et pour cause, l’intervention de la jeune enseignante, présentée ainsi par David Pujadas, qui a également précisé bien qu’elle n’était affiliée à aucun parti et avait simplement participé à une « liste citoyenne » aux dernières élections, a été particulièrement véhémente à l’égard de l’intellectuel. Avec un sens de la formule certain, la professeure d’anglais de Noissy-le-Sec a offert un moment de télévision à France 2. Elle a accusé sans ambages Alain Finkielkraut d’alimenter les discriminations envers les musulmans. « Là où votre rôle d’intellectuel était d’éclairer les débats, vous avez au contraire, obscurci nos pensées, nos esprits avec tout un tas de théories vaseuses et très approximatives », a-t-elle expliqué dans une interminable question, visible dans le montage ci-dessous.
Mais cette intervention pose surtout la question du statut, plus ou moins neutre, des intervenants dans ce type d’émission. Et de la connaissance du téléspectateur. En effet, sur Twitter, certains ont rapidement accusé la jeune femme d’être liée avec le PIR, le Parti des indigènes de la République. Organisation créée par Houria Bouteldja en 2005 qui se définit comme anti-raciste, anti-sioniste en lutte contre les discriminations. Des obsédés du philosémitisme d’Etat, surtout, qui tentent d’opérer, au sein de la gauche, un véritable changement de paradigme. La lutte des races plutôt que la lutte des classes. Une information donc qui changerait la donne sur l’intervention d’une Wiam Berhouma présentée comme indépendante de toute organisation politique.
D’ailleurs, face à ces affirmations, la principale intéressée va rapidement apporter un démenti formel. « À tous ceux qui croient aux licornes, je ne fais partie d’aucun collectif (PIR ou autre) ni d’aucun parti politique. Nice try haters! », peut-on lire sur son compte.
À tous ceux qui croient aux licornes, je ne fais partie d’aucun collectif (PIR ou autre) ni d’aucun parti politique. Nice try haters! #DPDA
— Wiam B (@WiamBerhouma) 22 Janvier 2016
Quelques rapides recherches sur internet permettent pourtant d’en savoir un peu plus sur la mystérieuse enseignante. Lors des élections régionales, son nom apparaît effectivement sur la Liste d’union citoyenne présentée en Ile-de-France. On la retrouve ainsi à la 18ème place pour la section électorale du Val-de-Marne. Avec 7 096 votes, la liste emmenée par Dawari Horsfall recueillait 0,23 % des suffrages au premier tour. Jusque-là, tout va bien pour les équipes de Pujadas.
C’est lorsque l’on se penche sur l’organisation de la « Marche de la dignité » contre les violences policières qui s’est déroulée le 31 octobre dernier que les choses se compliquent. Le 8 mai 2015, Amal Bentousi, fondatrice du collectif « Urgence notre police assasine » annonce, à l’occasion de la fête des dix ans du PIR, une prochaine manifestation,« 32 ans après la Marche pour l’égalité et contre le racisme, et 10 ans après les révoltes des quartiers populaires ». Et parmi les signataires du collectif « Marche des femmes pour la dignité » (MAFED), créé pour l’occasion, figure, outre le nom de Houria Bouteldja, porte-parole et membre fondatrice du Parti des Indigènes de la République, celui de Wiam Berhouma. Sur la page Facebook des Indigènes de la République, on retrouve la jeune enseignante sur les photos de l’événement, tenant la banderole en tête de cortège.
Manifestement, Wiam Berhouma est donc bien membre d’un collectif en lien très étroit avec le Parti des indigènes de la République d’Houria Bouteldja. Une qualité qui avait visiblement échappé aux équipes de David Pujadas, privant le téléspectateur d’une information utile pour mieux comprendre le parti pris et, donc, le propos de l’intervenante.
Ce type « d’oubli » n’est pas rare dans les médias, biaisant ainsi la lecture de compréhension du téléspectateur. En 2009, alors que Nicolas Sarkozy souhaite supprimer le juge d’instruction, un sujet du 20h de David Pujadas tente de faire le point sur les avis des magistrats et juges. L’un des interrogés y défend bec et ongle la réforme du Président. C’est un avocat, du nom de Thierry Hertzog. Or, à aucun moment ne sera mentioné que l’un de ses clients n’est autre que… Nicolas Sarkozy, ce qui aurait permis de mieux comprendre ses positions.
Plus récemment, c’est le chef du service des urgences à l’hôpital Pompidou, Philippe Juvin, qui, après les attentats de novembre, squattait les plateaux télés pour mettre en cause la sortie de Manuel Valls sur les possibles « attaques chimiques » sans que ne soit renseignée sa qualité… d’élu Les Républicains.
Un mal particulièrement répandu en économie, à la télévision. On ne compte plus le nombre d’experts français en économie invités à livrer leur sentence, le plus souvent sous couvert d’un titre universitaire. Or, comme le dénonçait le journaliste Laurent Mauduit dans son livre « Les imposteurs en économie », plusieurs économistes cumulent, en plus de leur travail d’universitaire, des missions auprès des banques ou de groupes industriels, quand ils n’ont pas carrément des sièges dans les conseils d’administration.
A des degrés divers, la transparence est encore loin d’être acquise.
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