Alors que l’Observatoire de la laïcité se déchire après les propos d’Elisabeth Badinter, Manuel Valls a fait son choix : ce sera Badinter contre Bianco. Et il l’a exprimé à l’occasion d’une rencontre-débat organisée par le Crif lundi soir.
Entre la gauche Bianco et la gauche Badinter, Manuel Valls a visiblement tranché. Invité le 18 janvier au soir par « les Amis du Crif » – « réseau représentatif de l’ouverture du Crif sur la société civile », selon leur propre description – le Premier ministre a abordé différents sujets d’actualité dans un débat modéré par le journaliste Guillaume Durand. Jusqu’à ce que le géopoliticologue Frédéric Encel l’interroge sur le positionnement de Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité, contesté par certains de ses membres.
Certains au sein même de l’Observatoire accusent en effet Bianco – au point de demander sa démission – d’entretenir une trop grande proximité avec le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) et d’avoir, par exemple, cosigné une tribune au lendemain des attentats, ainsi qu’avec d’autres membres d’organisations jugées trop radicales.
[>> Bianco avait souhaité répondre à ces accusations sur Marianne]
Question de Frédéric #Encel sur les positions « complaisantes » de @jeanlouisbianco vis-à-vis d' » organisations radicales » #Crif
— Judith Waintraub (@jwaintraub) 18 Janvier 2016
Plus récemment, on lui reproche, à lui et à son bras droit Nicolas Cadène, d’avoir critiqué avec virulence les propos d’Elisabeth Badinter. Pour défendre la laïcité, avait-elle expliqué en substance, il ne faut « pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe« . Désapprobation totale de Nicolas Cadène sur Twitter, soutien de Jean-Louis Bianco et division de l’Observatoire de la laïcité au sein duquel deux visions de ladite laïcité s’affrontent depuis toujours.
[>> A lire sur ce sujet : Les propos de Badinter déchirent l’Observatoire de la laïcité]
Devant « les Amis du Crif » ce lundi soir, Manuel Valls vient donc apporter sa contribution au débat, se plaçant sans ambiguité dans le camp de la philosophe et rejoignant les détracteurs de Bianco. Selon deux journalistes présents sur place, le Premier ministre a dit vouloir recevoir le président de l’Observatoire, qui aurait « dépassé des lignes« , pour discuter de la tribune cosignée avec le CCIF et de la polémique Badinter.
« L’observatoire de la laïcité de @jeanlouisbianco a dépassé des lignes et je le rappellerai à chacun » #Valls #Crif
— Judith Waintraub (@jwaintraub) 18 Janvier 2016
L @ObservLaicite en question. @manuelvalls va recevoir @jeanlouisbianco pour dénoncer pétition avec @ccif et attitude @ncadene #AmisDuCrif
— Haziza Frédéric (@frhaz) 18 Janvier 2016
Voici les explications du Premier ministre rapportées par le Scan, présent sur place : « L’Observatoire de la laïcité – qui est placé sous ma responsabilité – ne peut pas être quelque chose qui dénature la réalité de cette laïcité. Il doit être clair sur les appels que l’on signe: on ne peut pas signer des appels, y compris pour condamner le terrorisme, avec des organisations que je considère comme participant d’un climat (nauséabond), ça n’est pas possible.«
Il a ensuite soutenu Elisabeth Badinter de tout son poids, toujours selon des propos rapportés par le Scan : « Un collaborateur d’un observatoire de la République [Nicolas Cadène, ndlr] ne peut pas s’en prendre à une philosophe comme Élisabeth Badinter – pas parce qu’elle est philosophe ni parce qu’elle s’appelle Élisabeth Badinter, mais à partir de ses propos: c’est une défense intransigeante, que je partage d’ailleurs, de la laïcité dans bien des domaines. Et ça, ça doit être rappelé à chacun. »
Selon le journaliste Frédéric Haziza, Manuel Valls souhaiterait même le départ du rapporteur général de l’Observatoire – qui lui est rattaché – Nicolas Cadène :
Devant #AmisDuCrif @manuelvalls dénonce attaques de @ncadene contre E. Badinter signifiant qu’il va devoir quitter @ObservLaicite
— Haziza Frédéric (@frhaz) 18 Janvier 2016
Après les déclarations de Nicolas Cadène, soutenu par Jean-Louis Bianco, contre Elisabeth Badinter, trois membres de l’Observatoire avaient annoncé suspendre leur participation. Dans une tribune, la présidente de l’Observatoire du Val d’Oise avait demandé la démission du duo avec ces arguments : « Depuis sa création, l’Observatoire national de la laïcité, sous l’impulsion de son président, Jean-Louis Bianco, n’a cessé de privilégier les accommodements irraisonnables et le repli communautariste au détriment de l’esprit d’une véritable République laïque, diverse et métissée, que dessinent la loi de 1905. »
Quant à Elisabeth Badinter, qui a déclenché cette vive polémique, elle avait appelé sur France Inter à ne plus céder au politiquement correct dans la défense de la laïcité : « On ferme le bec de toute discussion sur l’islam en particulier ou d’autres religions avec la condamnation absolue que personne ne supporte : ‘Vous êtes raciste ou vous êtes islamophobe, taisez-vous !’ Et c’est cela que les gens ne supportent plus : la peur, pour des gens de bonne foi, qu’on puisse penser que vous êtes raciste ou anti-musulman fait que vous vous taisez. C’est la meilleure arme qu’on pouvait trouver à l’égard des gens de bonne foi. »
Entre les différents camps, Valls vient de choisir le sien devant le Crif.
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