Régionales en demi-teinte, chute dans les sondages, absence d’idées neuves… A sept mois de la primaire, l’ancien chef de l’Etat semble au fond du trou. Chez Les Républicains, tout le monde ou presque se lâche sur le patron. Et pas seulement en privé.
Quand ils parlent de lui, certains chez Les Républicains n’hésitent plus à donner dans le point Godwin. « Sarkozy et ses proches, ça ressemble au bunker d’Hitler. Il ne manque plus qu’Eva Braun, et c’est le film La Chute ! » Violente, la comparaison est signée d’un jeune député LR. Elle illustre bien la douce ambiance qui règne dans le parti en ce début d’année 2016. A tous les étages, c’est haro sur Sarko. Dans cette famille politique aux réflexes habituellement si légitimistes, le chef ne fait plus peur. Et tout le monde ou presque se lâche. « De plus en plus de collègues viennent me dire que Sarko, c’est cuit », confie un député proche de François Fillon. « Il est anxieux, il ne sait plus quoi faire. Ses amis lui conseillent de se taire pendant quatre mois, mais vous le connaissez, il en est incapable ! », persifle un autre.
Certes, beaucoup d’élus continuent à se réfugier dans un confortable anonymat lorsqu’il s’agit de lancer les pires vacheries. Mais ils sont de moins en moins à avoir ces pudeurs. La preuve, ces personnalités qui n’hésitent plus à dire tout le mal qu’ils pensent d’un patron qu’ils ont servi par le passé. C’est son ancien porte-parole Gérald Darmanin qui a lâché un premier tapis de bombes le 7 janvier. « Il faut qu’il change d’entourage et de méthode », a-t-il asséné dans La Voix du Nord. Nathalie Kosciusko-Morizet, virée en décembre de la direction du parti – une méthode « stalinienne », avait-elle fustigé – ne manque elle non plus jamais une occasion de critiquer la ligne à droite toute de l’ex-chef de l’Etat. Même Valérie Pécresse a réclamé le 10 janvier un « inventaire » du quinquennat, ce mot qui fâche tant la Sarkozie.
« S’il est en train de chuter, c’est parce que tout le monde se fiche de ce qu’il dit. »
Alors forcément, dans les écuries concurrentes pour la primaire qui désignera le candidat de 2017, on ne se prive pas d’en rajouter une couche. « Le génie de Sarkozy en 2007, c’était de fixer l’agenda et d’orienter le débat public », rappelle le député juppéiste Benoist Apparu à Marianne. « Aujourd’hui, s’il est en train de chuter, c’est parce que tout le monde se fiche de ce qu’il dit. » Même les militants, chez qui il comptait de très nombreux fans, sont de plus en plus nombreux à le fuir. « Comme il le disait à propos des migrants, il y a une fuite d’eau ! » flingue le filloniste Bernard Debré. « Quand il est revenu à la tête du parti, Nicolas ne s’attendait pas à voir une telle opposition. Si les militants n’en veulent pas, c’est parce qu’il a déjà échoué et parce qu’ils ne veulent pas d’un match retour. »
Candidat déclaré à la primaire, Hervé Mariton assure avoir entendu ce rejet sur le terrain lors des cérémonies de vœux : « C’est un mouvement très puissant : les gens disent clairement qu’ils ne veulent pas qu’il soit candidat aux primaires. » Le député de la Drôme est d’ailleurs bien de cet avis, pointant à la fois « le bilan de 2012, l’absence d’évaluation de ce bilan et la faiblesse de ses propositions actuelles ». Il rejoint un sentiment qui s’est généralisé à droite : Sarkozy n’est pas le meilleur candidat pour être sûr de l’emporter en 2017. Le rejet serait donc moins viscéral que pragmatique. « L’immense majorité de nos électeurs sont moins féroces que les commentaires journalistiques ou politiques. Il y a toujours du respect », explique un député pro-Le Maire. « Mais le moteur le plus important de nos électeurs, c’est de virer Hollande. » Un réflexe de vote utile qui bénéficie logiquement à Alain Juppé, toujours au zénith dans les enquêtes d’opinion.
Pour ne rien arranger, les tuiles se sont accumulées en Sarkoland ces derniers temps. Le bilan mitigé des régionales avait laissé un goût amer avant Noël. Au retour des vacances, le patron du parti a été cueilli par une vague de mauvais sondages. L’un d’entre eux, réalisé par Elabe et publié par Les Echos le 7 janvier, a particulièrement marqué les esprits : en un mois, Nicolas Sarkozy a chuté de 15 points chez les sympathisants de droite. La majorité d’entre eux (53%) en ont désormais une image négative.
Pour tenter de faire contrepoids, la direction du parti a communiqué, le lendemain, sur la hausse du nombre d’adhérents LR : 26.000 de plus en 2015, ce qui porte l’effectif total à 238.000. On reste loin de l’objectif de 500.000 en 2017, fixé par Sarkozy lui-même. En outre, cette légère hausse s’explique surtout par les élections internes prévues fin janvier : les adhérents vont renouveler les présidents de fédérations départementales. « En général, toutes les familles des candidats s’y mettent », s’amuse un permanent du parti.
Sarkozy a resserré la vis sur son parti : « Il voulait des grognards, des flingueurs, des gens qui font des petites phrases ».
Nicolas Sarkozy a aussi resserré la vis sur l’appareil. En témoigne la récente nomination de quatre nouveaux porte-parole ultra-sarkozystes, dont le revenant Guillaume Peltier, co-fondateur de la Droite forte. Lydia Guirous, elle, a été remerciée après sept mois – et quelques belles bourdes – à ce poste. Celle qui avait été embauchée par un Sarkozy conquis en juin dernier ne décolère pas à l’encontre de son ex-mentor. « Il voulait des grognards, des flingueurs, des gens qui font des petites phrases, tout ce que je n’ai jamais voulu être », peste-t-elle. Pour Guirous, « le maillon faible de Nicolas Sarkozy, c’est son entourage. Ce sont des personnes obnubilées par la question identitaire. Leur projet politique est celui d’une France qui se referme. On ne peut pas s’appeler Les Républicains et être Les Nationalistes !«
En décrivant un Sarkozy carbonisé, certains au sein du parti vont jusqu’à faire circuler l’hypothèse de sa non-participation à la primaire. Le scénario reste hautement improbable. D’ailleurs, les sarkozystes, qui sentent le vent du boulet, commencent à se compter. Brice Hortefeux a réuni les fidèles le 12 janvier dans un restaurant parisien. Leur champion n’était pas là, mais il rumine déjà une énième stratégie de reconquête pour sortir de sa « mauvaise passe », pour reprendre l’euphémisme de Jean-Pierre Raffarin. « Il a son calendrier en tête », assure l’un de ses fidèles, le sénateur Pierre Charon, qui dément toutefois toute « accélération » : « Il ne peut pas constituer une écurie, sachant qu’il a choisi de rester à la tête du parti. »
Il n’empêche, le Sarkozy de 2016 tente bel et bien d’ouvrir une nouvelle séquence. Vendredi en Eure-et-Loir, il a donné le coup d’envoi d’une série de déplacements discrets sur le terrain, pour tenter enfin de comprendre ce qui ne colle pas avec le peuple de droite. Il publiera également un livre le 28 janvier, selon Paris Match. L’ancien chef de l’Etat y affirmera-t-il encore qu’il a « changé » ? Ce sarkozyste repenti n’y croit pas une seconde : « Il y aurait le Sarkozy nouveau tous les ans, comme le Beaujolais nouveau ? C’est pas possible ! » Ce qui est sûr, c’est que pour l’instant, le millésime 2016 sent le bouchon.
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