Une ancienne vice-procureure qui a suivi l’affaire Kerviel met en cause sa hiérarchie et la banque dans un enregistrement réalisé à son insu, selon des extraits de retranscription diffusés par « Mediapart » et « 20 Minutes ». Et ce, alors que l’ancien trader demande ce lundi la révision de son procès.
Le timing a été soigneusement calibré. A la veille de l’audience où Jérôme Kerviel demandera ce lundi 18 janvier la révision de son procès contre la Société générale, et trois jours avant que la cour d’appel de Versailles rejuge à partir de mercredi la question de sa responsabilité financière, Mediapart et 20 minutes ont révélé dimanche les doutes d’une magistrate anciennement chargée de l’affaire, sur le traitement de celle-ci qu’elle estime trop favorable à la Société Générale.
En première instance puis en appel, l’ex-trader de la SocGen avait été condamné, pour ses prises de risques colossales, à cinq ans de prison dont trois ferme pour abus de confiance. Une peine confirmée par la Cour de cassation en avril 2014. Mais il a toujours refusé de porter le chapeau seul, accusant son employeur d’avoir connu ses agissements et de les avoir couverts. Il avait obtenu une première victoire quand la Cour de cassation avait rejeté la somme de 4,9 milliards d’euros de dommages-intérêts réclamée par la banque, lui reprochant d’avoir failli dans ses mécanismes de contrôle (c’est ce point qui sera rejugé à compter de mercredi).
Jérôme Kerviel avait aussi porté plainte en pointant une enquête menée pour protéger la Société générale (une instruction a été ouverte). C’est cette thèse qui se voit aujourd’hui renforcée par les propos d’une ancienne vice-procureure du parquet de Paris. « Quand vous en parlez, tous les gens qui sont un peu dans la finance, ils rigolent, sachant très bien que la Société générale savait. (…) La Société générale savait, savait, c’est évident, évident« , déclare, selon les extraits révéls par les deux médias, Chantal de Leiris, qui avait à l’époque suivi l’enquête sur les pertes de la Société générale pour le compte du parquet de Paris. Concédant avoir « toujours obéi », la magistrate met en cause sa hiérarchie : « C’est surtout Michel Maes (chef de la section financière au parquet à l’époque, ndlr). Sans arrêt, il me disait : ‘tu vas pas mettre en défaut, en porte-à-faux, la Société générale. Ca a été jugé, t’as pas à y revenir’. C’est eux qui ont voulu à tout prix sabrer (les plaintes). (…) Mais c’est vrai ce que vous dites : vous avez été entièrement manipulée par la Société générale« . Et d’ajouter: « Maes, c’est les avocats de la Société générale« .
Chantal de Leiris discute alors avec Nathalie Le Roy, la policière de la Brigade financière qui avait été en charge de l’enquête et qui a elle-même exprimé ses doutes sur le dossier. La policière a enregistré la magistrate à son insu lors d’une conversation en juin 2015. Dans 20 Minutes, elle explique avoir remis l’enregistrement à l’avocat de Jérôme Kerviel, défendant sa méthode car elle se dit lâchée par sa hiérarchie depuis qu’elle a témoigné. Quant à Me David Koubbi, il considère que « le parquet s’est gravement compromis » et demande « à François Hollande et Christiane Taubira de mettre un terme sans délai aux dysfonctionnements qui affectent ce dossier et gangrènent l’institution« .
Contacté dimanche soir par l’AFP, le parquet de Paris a estimé « extrêmement délicat de s’exprimer alors qu’il est fait état d’un enregistrement de 41 minutes, que les propos qui sont retranscrits sont forcément parcellaires et qu’on ne connaît pas le contexte dans lequel ils ont été tenus« . Dans un communiqué, rappelant que la justice a eu « à trois reprises à apprécier la culpabilité de Jérôme Kerviel« , la Société génaérale a dénoncé quant à elle des « pseudo-révélations » et « une nouvelle manipulation médiatique« .
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