Martine Aubry est revenue, nous annonce-t-on ce jeudi après les vœux de la maire de Lille ! Pourtant, en y regardant de près, il n’y a dans ses propos pas vraiment de quoi fouetter un chat, tout au plus bousculer un peu sa sieste.
« Martine Aubry hausse le ton contre le gouvernement », « Martine Aubry fustige Hollande et Valls » ou encore, « Martine Aubry passe à l’offensive ». Ce jeudi, la presse semble unanime. A l’occasion de ses voeux pour la nouvelle année, Martine « is back ». Prête à en découdre avec le gouvernement. Tête de proue de la résistance dans les rangs socialistes. Opposée au projet d’inscrire dans la Constitution la déchéance de nationalité des binationaux convaincus de terrorisme, remontée aussi sur la politique économique de Manuel Valls.
Au cours de sa conférence de presse ce jeudi 14 janvier, la maire de Lille s’est ainsi interrogée sur l’efficacité du CICE : « Faut-il continuer à verser les 15 milliards sur les 40 qui restent à verser à des entreprises dont un grand nombre n’ont pas respecté les engagements qu’elles avaient pris ? (…) Peut-on espérer que quand, fin janvier, il va faire le bilan avec les branches professionnelles, Manuel Valls en tire toutes les conséquences ? ». On a connu plus violent… L’élue du Nord a aussi estimé qu‘ »il faut infléchir la politique économique », tout en reconnaissant que, même si « la France manque de demande, publique et privée », finalement, la politique de l’offre est aussi… « nécessaire ». Ou comment hausser le ton sans briser le cristal.
L’ancienne patronne du PS se donne surtout des airs de frondeuse au sujet de la déchéance de nationalité. « Quand on est un politique, on ne raisonne pas avec l’opinion », a-t-elle asséné, avant de rappeler : « J’ai toujours été contre (…) La déchéance de nationalité divise, stigmatise et porte atteinte à un élément majeur de l’égalité devant le droit du sol qui est un des fondement de la république française ». Martine Aubry en appelle donc à la conscience du gouvernement pour « renoncer face à ce qui est inefficace et inopérant ; l’obstination est mauvaise conseillère ». Mais là encore, quand elle sermonne d’une main, elle caresse de l’autre, félicitant le gouvernement pour son projet de loi contre le terrorisme « qui porte des mesures importantes », ou encore saluant la réaction du chef de l’Etat dans sa mise en place rapide de l’état d’urgence : « Je n’ai aucun état d’âme sur les perquisitions en pleine nuit en décembre ».
Un pilonage en régle ? Le grand retour de la Dame de Lille semble plutôt un tantinet survendu. Une vieille habitude chez celle qui traîne une réputation de velléitaire chronique… La dernière fois qu’elle nous a fait le coup, c’était en juin dernier. Alors que le congrès du Parti socialiste s’organise, celle qui bénéficie toujours d’une certaine aura à gauche — n’est-elle pas la mère des 35 heures ? — et qui depuis 2012, fait savoir par petites touches son mécontentement à l’égard de la politique économique, est fortement pressentie pour incarner la résistance des « vrais socialistes », à la tête de ce qui sera la motion B. Et ce, bien qu’elle se soit déjà clairement démarquée de l’aile gauche dès octobre 2014 : « Je n’aime pas le terme de ‘frondeur’, cela a été une erreur (…), je ne suis pas là comme un recours, je veux débattre. Je veux juste que le gouvernement réussisse« . Ceux qui y croyaient encore dur comme fer en seront donc pour leurs frais : au moment de s’élancer, Aubry rejoint Jean-Christophe Cambadélis dans la motion hollandienne et laisse le député Christian Paul mener la bataille. « Je ne trouve pas les mots. C’est une fin qui fait ‘bloup' », nous confiera, dépité, un frondeur de la première heure à l’annonce de cette dérobade.
En rentrant in extremis dans le rang lors de ce congrès qui entérinera de fait la fin du mouvement des frondeurs, Martine Aubry s’est donc condamnée à ne faire que de la morale politique. Entretenant le souvenir d’un Parti socialiste sûr de sa gauche, sa petite voix rappelle de temps à autre au chef de l’Etat, depuis sa citadelle lilloise, la différence entre social-démocratie et social-libéralisme. Sauf que, année pré-électorale oblige, le temps n’est plus à la posture mais à l’action politique. Pas sûr, donc, que ces semblants de barouf fassent bouger une quelconque ligne. En attendant, ils continuent d’amuser un peu les spectacteurs de cette tragi-comédie que nous donnent souvent nos reponsables politiques.
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