Le "n'ayez pas peur" d'Obama pour conjurer la menace Trump

Douze mois avant la fin de son mandat, Barack Obama s’est exprimé pour la dernière fois mardi sur l’état de l’Union. Devant le Congrès, le démocrate a tenté de conjurer les peurs sur lesquelles surfent les Républicains en vue de la présidentielle, en défendant pied à pied son bilan controversé.

N’ayez pas peur. Déclinant en susbtance le fameux mot de Jean-Paul II, Barack Obama n’a pas choisi par hasard le ton enjoué et optimiste de son dernier discours sur l’état de l’Union. Dix mois avant la présidentielle qui désignera son successeur à la Maison-Blanche, le démocrate devait passer le relais à Hillary Clinton, qui doit faire face à un adversaire inattendu mais d’autant plus redoutable qu’il surfe sur les peurs parfois irrationnelles qu’il agite sans vergogne : Donald Trump. Conscient que le bilan de ses deux mandats reste controversé sur de nombreux points — selon un sondage CBS/NYT, 46% approuvent son action, 47% la désapprouvent —, le 44ème président des Etats-Unis a défendu pied à pied ses réussites pour faire entendre ce message : non, les Américains n’ont pas besoin de se réfugier dans un vote Trump.

Première des menaces, réelles, dont les Républicains font leur miel en vue de la présidentielle de novembre : le terrorisme. Mettant en garde contre les « déclarations excessives » entendues dans le camp d’en face, qui dénonce l’absence de véritable stratégie face à Daech en Syrie et en Irak, Barack Obama a contesté l’idée que le groupe jihadiste menacerait « l’existence » même des Etats-Unis et que la communauté internationale aurait basculé dans une « Troisième guerre mondiale ». Et ce, sans manquer d’écarter d’éventuelles accusations d’angélisme, en réaffirmant qu’il fallait « détruire » l’organisation jihadiste et en lançant cet avertissement : « Si vous vous en prenez aux Américains, on ira vous chercher. Cela prendra peut-être du temps, mais on a la mémoire longue et la portée de notre action est sans limite ». Et de rappeler, pour preuve de cette détermination, le coup d’éclat de sa présidence en la matière par cette punchline bien sentie : « Si vous doutez de la détermination de l’Amérique, ou de la mienne, pour que justice soit faite, demandez à Oussama Ben Laden !« 

Toujours sur la politique internationale, le président sortant a eu beau jeu de souligner l’arriération des Républicains en leur lançant, au sujet de Cuba contre lequel ils sont toujours réticents à lever l’embargo économique : « Admettez que la Guerre froide est finie ! » Même procédé sur le changement climatique : « Si quelqu’un veut encore nier la science autour du changement climatique, allez-y. Mais vous allez vous sentir assez seuls, parce que vous allez devoir débattre avec nos militaires, avec la plupart des patrons américains, avec la majorité des Américains, avec presque toute la communauté scientifique et avec 200 pays à travers le monde qui sont d’accord pour dire que c’est un problème et qui entendent le régler (la Cop21, ndlr) ». L’occasion de souligner au passage les nombreux blocages parlementaires qui ont grevé son action depuis que les Républicains ont pris la majorité dans les deux chambres du Congrès : « C’est l’un des rares regrets de ma présidence, que la rancoeur et la suspicion entre les partis se soient aggravées au lieu de s’améliorer. Je n’ai aucun doute qu’un Président avec les talents de Lincoln ou de Roosevelt aurait pu davantage combler les fossés, et je garantis que je vais continuer à essayer tant que je serai en fonction ».

Autre terrain de prédilection des Républicains que Barack Obama a voulu marquer du sceau de son bilan : l’économie. Aux pronostics catastrophiques du milliardaire Trump – « Les Etats-Unis se trouvent assis sur une bulle prête à exploser » -, le démocrate a opposé que le déclin de l’économie américaine est « une fiction politique ». Lui qui a réussi à inverser la courbe du chômage, le ramenant à son taux le plus bas depuis sept ans (5%), a souligné que les Etats-Unis « ont l’économie la plus forte, la plus durable du monde », expliquant l’inquiétude des Américains par le fait qu’elle « change profondément » ces dernières années.

Mais le changement peut avoir du bon, a souligné Obama, en déclinant son slogan de 2008 (« We Can ») dans un dernier domaine, consensuel celui-là : la lutte contre le cancer. Soulignant les « bouleversements » de la médecine et les « découvertes médicales fantastiques » qui ont eu lieu durant son mandat, il a annoncé pour la dernière ligne droite de son mandat un « nouvel effort national » contre le cancer. Sous des applaudissmeents émus, il a missionné pour cela son fidèle vice-président, Joe Biden, dont le fils Beau a été emporté au printemps dernier par une tumeur au cerveau, à l’âge de 46 ans. Et d’en citer cette comparaison grandiose : « L’Amérique pourrait soigner le cancer comme elle a su conquérir la lune ».

« Je crois au changement car je crois en vous », a conclu Barack Obama, en écho là encore aux slogans de la campagne qui l’avait porté au pouvoir, en 2008. Si rien de tout cela n’a bien sûr fait vaciller Donald Trump, qui a ironisé dans un tweet sur un discours « ennuyeux, plat et léthargique », Hillary Clinton, elle, a aussitôt saisi le témoin : « Sept années de progrès. Il faut bâtir dessus, ne pas revenir en arrière ». Le coup d’envoi de l’après-Obama a été lancé.

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