Pierre Boulez, disparition d’un artiste total

Le compositeur et chef d’orchestre, monument de la culture française, est mort le 5 janvier à l’âge de 90 ans.

Fêté, in extremis, par une splendide exposition à la Cité de la Musique de Paris, organisée en mars dernier à l’occasion de ses 90 ans, le compositeur et chef d’orchestre Pierre Boulez, un éminent monument de la culture française, s’est éteint mardi 5 janvier à Baden-Baden. Quoi que l’on puisse penser de ses compositions, qui portent toutes des titres éminemment poétiques – tel Le Marteau sans maître pour voix et six instruments, une œuvre de 1954 inspirée par René Char – et restent fort controversées dans son pays natal, son talent avait tant de facettes qu’il est difficile de ne pas être séduit par au moins l’une d’elles.

A la baguette, à l’opéra, la salle Pleyel ou même sous la pyramide du Louvre, on l’avait récemment vu diriger beaucoup d’œuvres russes, tout comme le compositeur tchèque Leos Janacek (1854-1928), notamment dans De la maison des morts, l’avant-dernière mise en scène d’opéra de Patrice Chéreau, décédé en octobre 2013, qui lui vouait une admiration sans bornes. Les deux hommes avaient d’ailleurs signé une mémorable Tétralogie de Wagner à Bayreuth en 1976. Depuis plus de six décennies, Boulez s’était fait l’interprète précis et fidèle d’un large répertoire, dont le point commun pourrait être la modernité.

Le fondateur, en 1969,  de l’Ircam (Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique), pédagogue reconnu dans le monde entier, fut aussi un fin analyste et exégète des plus grands peintres et poètes contemporains. Initié, pendant ses années d’études au Conservatoire, sous la direction d’Olivier Messiaen, à la musique du XXe siècle, il fréquenta alors les galeries parisiennes et s’éprit de poésie, notamment Joyce et Mallarmé. En 1947, parti rencontrer René Char en Provence, il découvrit à Avignon l’œuvre de Paul Klee, lui-même violoniste et grand mélomane, dont il se fit plus tard le propagateur. Plus tard, il se lia à Nicolas de Staël et à Giacometti. Présenté par Honegger à Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud qui le nommèrent directeur musical de leur théâtre, il accompagna la troupe à New York, où John Cage le présenta à De Kooning, Pollock, Varèse et Stravinsky. Rarement musicien aura été aussi amoureux des mots et de l’art pictural. Un artiste total.

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