Submergés par l’afflux de migrants, la Suède et le Danemark viennent de rétablir des contrôles à leurs frontières. Un nouveau coup de canif dans l’espace de libre circulation. Et un désaveu de plus pour l’Union européenne.
Pour l’espace Schengen, 2015 était l’année du coup de semonce. 2016 sera-t-elle celle du coup de grâce ? Ce mois de janvier a en tout cas commencé par une nouvelle entaille dans l’espace européen de libre circulation. La Suède et le Danemark ont successivement annoncé lundi 4 janvier le rétablissement de contrôles à leurs frontières. Une réaction à la crise migratoire qui touche particulièrement les deux pays nordiques. La Suède, considérée comme un eldorado par de nombreux réfugiés pour sa tradition d’accueil, en a reçu plus de 160.000 en 2015. Le Danemark a accueilli huit fois moins de migrants, mais craint d’être piégé par sa situation géographique, sur la route entre l’Allemagne et la Suède.
Cela porte à 12 le nombre de pays qui ont rétabli des contrôles aléatoires ou systématiques à leurs frontières depuis l’été dernier. Parmi eux, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas, trois Etats signataires de l’accord qui posa les bases de l’espace de libre circulation en 1985. Ainsi Schengen agonise-t-il à petit feu, dans une indifférence quasi-générale. La Hongrie et la Slovénie sont allées jusqu’à ériger des clôtures pour dissuader le passage de migrants. Ce qui n’a fait que reporter le problème : les migrants bloqués par les barbelés du gouvernement hongrois de Viktor Orbán ont cherché à contourner le pays par le sud, en passant par la Croatie.
En France, où les contrôles ont été rétablis d’abord en raison de la COP 21, puis après les attentats du 13 novembre, il ne se trouve plus grand-monde pour défendre Schengen. Quelques jours après les attaques de Paris, le Premier ministre Manuel Valls avait justifié le rétablissement des contrôles en adressant cet avertissement sans frais à Bruxelles : « Si l’Europe n’assume pas ses responsabilités, alors c’est tout le système Schengen qui sera remis en cause. » A droite, l’arrêt de décès est déjà signé. Même Alain Juppé, pourtant défenseur de l’idéal européen, constate l’échec de l’espace de libre circulation. « Schengen est mort, il faut un nouveau traité », a asséné le maire de Bordeaux ce mardi sur Europe 1. « Schengen est mort », une phrase déjà prononcée il y a un mois par son rival Nicolas Sarkozy…
Sur la scène européenne, l’Allemagne se retrouve bien seule à défendre Schengen. Après le rétablissement des contrôles par la Suède et le Danemark, Berlin s’est alarmé de la situation lundi. L’accord de Schengen « est en danger », a déclaré le porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, soulignant que « la libre circulation est un bien précieux ». Une inquiétude pas du tout désintéressée : plus d’un million de réfugiés sont entrés en Allemagne l’an dernier. Le gouvernement d’Angela Merkel plaide pour que le fardeau soit mieux partagé entre les pays européens, sans grand succès pour l’instant.
Le rétablissement des contrôles est censé demeurer « une exception ». Or, l’exception devient peu à peu la règle.
Certes, le règlement de Schengen permet de rétablir les contrôles aux frontières pour des raisons d’« ordre public ou de sécurité nationale ». Mais cela est censé être provisoire et demeurer « une exception ». Or, il semble que l’exception devienne peu à peu la règle. Selon Le Figaro, la Commission européenne planche même sur un assouplissement qui permettrait aux Etats membres de prolonger leurs contrôles aux frontières jusqu’en 2017.
En parallèle, Bruxelles cherche désespérément comment mieux gérer la crise migratoire. La Commission a proposé en décembre un nouveau train de mesures, dont le contrôle systématique de tous les entrants et sortants de la zone Schengen et la mise en place d’un « document de voyage » qui doit faciliter le renvoi des migrants illégaux. Pour l’instant, les décisions européennes n’ont pas brillé par leur efficacité. L’application du plan de répartition de 160.000 réfugiés laborieusement adopté en septembre n’avance que très lentement. Faute de solution probante, les Etats n’ont rien trouvé de mieux pour l’instant que de revenir progressivement aux frontières nationales. Pour Schengen, cela ressemble à un début d’enterrement de première classe. Pour l’Europe, c’est incontestablement un nouveau désaveu.
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