Syrie : à Alep-Est, une trêve loin d'être humanitaire

Ce jeudi 8 décembre, la Russie a annoncé unilatéralement l’arrêt des « opérations de combat de l’armée syrienne » sur les quartiers d’Alep-Est. Il s’agirait selon Moscou de permettre « une grande opération en cours qui est l’évacuation des civils ». Mais sous un faux-nez de trêve « humanitaire », l’objectif semble avant tout militaire.

En Syrie, ce sont bien les Russes qui dictent le tempo. S’appuyant sur les erreurs et des renoncements des grandes puissances occidentales en Syrie, Vladimir Poutine en a profité pour reprendre la main et s’imposer comme la force incontournable. Alors que depuis plusieurs semaines, la communauté internationale réclame une « trêve humanitaire » à Alep pour permettre aux civils de fuir la ville, se voyant opposer un refus catégorique du Président russe – le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov allant jusqu’à parler de « provocation » au sujet d’un projet de résolution visant à l’arrêt des combats durant sept jours – la Russie a annoncé unilatéralement ce jeudi 8 décembre l’arrêt des « opérations de combat de l’armée syrienne » sur les quartiers est de la ville aux mains des groupes djihadistes rebelles.

« Je peux vous dire qu’aujourd’hui, les opérations de combat de l’armée syrienne ont été interrompues dans l’est d’Alep parce qu’il y a une grande opération en cours qui est l’évacuation des civils. Il va y avoir une colonne d’évacuation de huit mille personnes, leur itinéraire fait cinq kilomètres », a affirmé Lavrov en marge d’une réunion de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), cité par les agences russes.

Pourtant, deux jours avant, la Russie, aux côtés de la Chine et du Venezuela, opposait son veto à un projet de résolution déposé devant le Conseil de sécurité de l’ONU réclamant cette même trêve… Preuve, si il en fallait une, de l’impuissance de l’ONU dans ce dossier syrien. 

Les bombardements sur Alep-Est ont donc cessé depuis jeudi permettant à des centaines de civils de prendre la fuite.

Une trêve stratégique plutôt qu’humanitaire

« Le régime fait ce qu’il veut de ces populations »Les Russes céderaient-ils aux réclamations des chancelleries occidentales ? Rien n’est moins sûr. « Le droit humanitaire international est en train de mourir à Alep », s’est alarmé Raphaël Pitti, spécialiste de médecine de guerre de retour de mission en Syrie, ce vendredi, au micro de France Info. Cette trêve serait avant tout motivée par des considérations stratégiques plutôt qu’humanitaires. Ainsi des médecins d’Alep – il n’en resterait que dix – avec qui il a gardé des contacts refusent, de crainte d’être arrêtés, de « passer au travers des corridors humanitaires, qui sont en fait des filtres qui visent à dissocier les différentes personnes. On laisse passer les femmes, les enfants, les personnes âgées et on retient les hommes. »

La Russie à #Alep : « on est dans une guerre totale » et « une effroyable catastrophe humanitaire » https://t.co/jeXgqqjVrX

— franceinfo (@franceinfo) 9 décembre 2016

Interrogé sur France Inter également, il précise que « la population a été poussée à sortir de chez elle et à aller vers l’aéroport (…) Des milliers de personnes sont amenées par cars, poussées dans des carrioles avec leurs blessés et amenées directement vers cet aéroport qui est un camp de fortune. Là on sépare, on filtre les hommes jeunes des autres et on les amène vers le centre du renseignement aérien (…) Le régime fait ce qu’il veut de ces populations. »

L’autre objectif du régime de Bachar al-Assad et de ses alliés russes serait de vider la ville de ses ressortissants, pour que ne reste sur le terrain que les seuls combattants de l’opposition. Encerclées de toute part, les dernières poches de résistance se retrouveraient alors devant deux possibilités : négocier leur reddition ou mourir sous les bombes de Moscou et de Damas.

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