Ecole : fronde contre la mixité sociale dans le 18e arrondissement de Paris

Pour lutter contre la ghettoïsation, une expérimentation vise à rapprocher deux collèges d’un même quartier à la rentrée prochaine. Mais le projet se heurte aux réticences des enseignants et parents d’élèves de l’établissement le plus favorisé…

La dernière enquête internationale Pisa l’a confirmé ce mardi 6 décembre : la France reste tristement championne des inégalités scolaires. Pas étonnant lorsqu’on sait que sur le terrain, la route vers la mixité sociale est semée d’embûches. Le ministère de l’Education nationale en fait l’amère expérience dans le 18e arrondissement de Paris. Répondant à la volonté de lutter contre la ghettoïsation, la mairie et l’académie avaient identifié deux établissements du quartier pour mener une expérimentation à la rentrée 2017. L’attractif collège Antoine-Coysevox doit être regroupé dans un secteur unique avec Hector-Berlioz, situé à 600 mètres mais classé en Réseau d’éducation prioritaire (REP). Le futur mode d’affectation des collégiens (qui reste à définir) permettrait de rapprocher les niveaux sociologiques des deux établissements.

Mais sur place, ça coince. La fronde est partie fin novembre des enseignants de Coysevox, vexés de n’avoir pas été informés avant les parents d’élèves. Soutenus par les syndicats, ils se sont mis en grève pendant une journée. Des parents ont ensuite embrayé, bloquant l’accès au collège le 1er décembre. Une pétition en ligne dénonce un projet « élaboré sans concertation préalable », mené « de façon précipitée » et qui ne pèse que « sur un seul collège, déjà fortement mixte au regard de la situation des inégalités socio-spatiales à Paris ». « Des informations sinon partiales, du moins partielles », rétorque auprès de Marianne Luc Pham, directeur académique adjoint en charge de déminer les réticences, qui souligne : « On entend beaucoup plus vivement ceux qui sont contre ce projet, alors que la majorité des gens concernés sont pour. »

« Si on ne donne pas l’exemple, on ne le fera jamais »

« C’est toujours la même hypocrisie. Tout le monde veut la mixité, mais personne ne veut le faire », peste un élu parisien. « C’est une chance à saisir ! Si on ne donne pas l’exemple dans le 18e, on ne le fera jamais », insiste de son côté Jérôme Decuq, président du collectif de parents Apprendre ensemble, qui milite pour la mixité sociale dans le quartier. Ce professeur en Seine-Saint-Denis veut croire en un cercle vertueux : « En répartissant mieux les élèves, on attirerait à nouveau les familles qui partent dans le privé et tout le monde sortirait gagnant. »

Trois autres expérimentations du même type sont sur les rails dans la capitale, où la ségrégation sociale dans les collèges bat des records, comme le dénonçait l’économiste Thomas Piketty dans Le Monde en septembre. L’enjeu est lourd de symboles pour le ministère de l’Education nationale, qui espère enfin concrétiser des engagements pris après les attentats de janvier 2015. A condition que tout le monde joue le jeu, à commencer par le corps enseignant.

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