Les locataires condamnés pour possession de drogue pourront bientôt être expulsés

Un amendement adopté par la majorité socialiste sur un texte de loi en cours d’examen prévoit qu’à l’avenir, un bail pourra être résilié « de droit » par un propriétaire si l’un des occupants du logement a été condamné pour trafic ou même détention de drogue dans l’appartement, dans l’immeuble ou dans la cité.

C’est une nouveauté qui est plutôt passée sous les radars. Lors de l’examen au Parlement du Projet de loi Egalité et citoyenneté, fin novembre à l’Assemblée, un groupe de députés socialistes a fait voter un amendement donnant aux bailleurs le droit d’expulser leurs locataires quand ces derniers sont condamnés dans une affaire de drogue ayant impliqué, de près ou de loin, leur logement.

Voici ce que dit exactement l’article en question, adopté :

« Le contrat de location est résilié de plein droit à la demande du bailleur, lorsque le locataire ou l’un des occupants du logement a fait l’objet d’une condamnation passée en force de chose jugée au titre d’une infraction sanctionnée à la section 4 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal (sur le trafic de stupéfiants, ndlr) et concernant des faits qui se sont produits dans le logement, l’immeuble ou le groupe d’immeubles. »

Bien évidemment, la mesure a été justifiée par les députés qui l’ont portée par la nécessité de lutter contre les trafics de drogue dans les immeubles. « Le trafic de stupéfiants constitue, avec les dégradations et les incivilités, l’une des causes majeures des problèmes de troubles de voisinage et d’atteinte à la jouissance paisible que subissent les locataires », écrivent-ils. Ce que personne ne conteste.

Les familles concernées aussi

Ce qui a fait tiquer, en revanche, c’est d’abord l’étendue du champ d’application du texte. D’abord, selon la partie du code pénal à laquelle il renvoie, il touche non seulement les dealers mais aussi « la détention » ou « l’emploi illicites de stupéfiants ». Ce qui concerne potentiellement plus de 5 millions de consommateurs réguliers de stupéfiants, selon les derniers chiffres de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT).

Deuxième point, qui a provoqué les protestations de l’association Droit au logement (DAL) : le fait que l’expulsion ne concerne pas seulement le signataire du bail s’il est condamné mais quiconque vivant dans le logement. « C’est-à-dire les parents et les enfants qui n’ont pas été condamnés et n’ont donc pas à voir avec le trafic ou la consommation, mais qui subiront de plein fouet la sanction de l’expulsion », souligne DAL. Le filet paraît d’autant plus large qu’il peut s’abattre même si les faits ayant donné lieu à la condamnation ne se sont pas déroulés dans l’appartement mais aussi dans l’immeuble ou dans la cité.

Une « double peine »

Faisant part de « sa très vive inquiétude » quant au « caractère disproportionné » de la sanction, jugée par ailleurs « contraire à des principes fondamentaux du droit, car elle s’appliquerait à des innocents, hors l’autorité du juge », DAL pointe encore une mesure « inéquitable car elle ne concerne pas les propriétaires occupants, ni les propriétaires bailleurs. Par exemple les riches dealers ou consommateurs propriétaires de biens immobiliers ou les parents riches de jeunes dealers ou consommateurs échappent à cette double peine… »

Reste encore une question : comment diable le propriétaire, qui n’a légalement pas l’accès au casier judiciaire de son locataire, saura-t-il quand celui-ci sera condamné ? Interrogée par Le Figaro, la députée Annick Lepetit, signataire de l’amendement et présidente de la commission spéciale actuellement chargée d’examiner le projet de loi Egalité et citoyenneté, brandit… le bouche-à-oreille, voire la délation : « Il y aura des plaintes des voisins, le propriétaire finira par l’apprendre ».

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply