Depuis le 2 novembre, la RATP a lancé un appel à idées auprès des usagers du métro parisien : quels changements pour le métro de demain ? Parmi les suggestions, la suppression de la publicité fait indiscutablement office de grande, très grande favorite. Et les participants vont pouvoir tout aussi rapidement remiser au placard cette idée plébiscitée…
Au début du mois de novembre, la RATP a décidé de mobiliser ses usagers en lançant un vaste appel à idées. Le but ? Recueillir une série de propositions pour rendre l’utilisation du métro plus agréable. La RATP avait d’ailleurs largement communiqué sur cette initiative : pendant près d’un mois, les affiches se sont étalées sur les quais et couloirs de métro à grands coups de calembours. « Demandez-nous des prises à Bastille » ou « Demandez-nous des cours de karaté à la Défense« , pouvait-on lire en s’engouffrant dans le tunnel parisien. Une initiative prise très au sérieux par les usagers… et leurs réclamations pourraient bien faire perdre le sourire aux dirigeants de la RATP.
Parmi les 2.000 idées qui ont été soumises, il en est en effet une qui se démarque franchement des autres : celle de limiter drastiquement la présence de la publicité dans l’enceinte du métro. Et elle n’est pas prête d’être mise en oeuvre…
Mais d’abord, retour sur l’initiative : un peu comme la mairie de Paris avec son budget participatif, la RATP a voulu donner la parole à ses usagers. Elle n’a pas voulu qu’ils soient contraints de choisir parmi un nombre limité de propositions. Au contraire, la régie a ouvert une plateforme leur permettant de soumettre librement leurs idées afin que chacun puisse en avoir connaissance et en discuter. Déposée par un certain Philippe C., c’est la proposition demandant d' »enlever les écrans vidéos publicitaires » du métro qui a généré le plus grand nombre d’approbations : ils sont 7.279 à avoir « liké » cette idée. « Ces écrans ont une consommation d’énergie importante et donc, polluent notre planète, explique Philippe. Alors que la France a accueilli la COP21, ces écrans sont en contradiction avec les discours environnementaux des pouvoirs publics. » Avec 1.109 « likes », la deuxième idée la plus populaire est celle de Olivier G., qui rêve d' »un métro garanti sans pub« . Il propose ainsi d’enlever « tous les écrans diffusant des pubs et les affichages » pour les remplacer par « des images de paysages et de nature ». Les autres propositions ne dépassent pas le millier de « likes ».
Problème : la publicité rapporte de l’argent à la RATP. Beaucoup d’argent. Déjà en 2010, Le Parisien indiquait que son parc de panneaux publicitaires lui apportait un gain d’environ 100 millions d’euros chaque année. On a donc peine à imaginer que la RATP sacrifie ce joli pactole sur l’autel d’une simple consultation populaire. Contacté par Marianne, un responsable de la régie confirme que le jury chargé de choisir les idées à appliquer n’accordera aucune importance à leur popularité. « Le jury ne devra se baser que sur quatre critères : la faisabilité, la créativité, la responsabilité et l’universalité. » Et le responsable d’expliquer pourquoi la RATP ne touchera probablement pas aux panneaux publicitaires :
« La consommation énergétique des 600 supports digitaux a été diminuée par trois comparativement à la première génération d’écrans. S’agissant des affiches publicitaires standard, on veille à respecter un juste équilibre entre les affichages commerciaux et les affichages non commerciaux. »
Autant d’éléments qui légitimeraient le fait d’inonder les usagers de panneaux promotionnels…
Avec 60.000 cadres publicitaires revendiqués par la RATP, auxquels il faut ajouter ses 600 écrans digitaux, la publicité omniprésente du métro a de quoi agacer certains usagers. Média Transports, la régie publicitaire de la RATP, ne peut en revanche que s’en féliciter. « Aujourd’hui, les cibles les plus stratégiques de la publicité sont les individus les plus mobiles, peut-on lire sur son site internet. Pour les toucher, il faut être présent là où ils sont réceptifs et disponibles, directement sur leurs lieux de mobilité : les métros et les bus (…) qui bénéficient de situations privilégiées dans l’espace urbain. » Ce dernier point est à souligner car, d’ordinaire, la publicité fait l’objet d’une réglementation très restrictive. Entre autres, elle doit être exposée dans des zones particulières, faire l’objet d’un entretien régulier, porter un buteau actualisé, respecter des règles de surface et de hauteur… Or, en vertu d’une jurisprudence vieille de trente ans, l’enceinte du métro parisien est exclue de cette réglementation. C’est pour cette raison que les usagers du métro doivent supporter un véritable matraquage publicitaire.
Une proposition plébiscitée mais irréalisable aux yeux des organisateurs… Cette situation interroge quant au bien fondé du projet de la RATP. Lorsque la mairie de Paris soumet des projets participatifs au vote de ses administrés, le projet qui est retenu est celui qui emporte l’assentiment du plus grand nombre d’entre eux. Ici, il n’en va pas du tout de même. En instaurant des critères de sélection aussi larges et fourre-tout que « la créativité » et « l’universalité« , la RATP s’assure de garder la main sur cette initiative citoyenne. Cela est d’autant plus vrai que, parmi les cinq jurés chargés de sélectionner les idées qu’il faudra concrétiser, deux occupent des postes à responsabilité au sein de la RATP. Autant dire que, sous les airs d’une consultation participative, l’initiative ressemble surtout à une pure opération de communication ne visant qu’à préserver les intérêts de la régie.
Plutôt que d’écouter la voix de ses usagers, la RATP semble privilégier des idées moins populaires. Lorsqu’on se rend sur son site internet, on s’aperçoit que trois d’entre elles sont mises en avant, surplombées par une bannière indiquant « Vous nous avez demandé et vous avez liké« . Ces trois idées sont : avoir du wifi et du réseau (278 likes), créer des espaces verts (155 likes) et installer des toilettes (101 likes). On est donc bien loin des 7.279 likes que la proposition de Philippe C. a recueillis… Les idées définitivement retenues par le jury seront annoncées le 6 février 2017.
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