Affaire Binti : Alain Soral condamné pour menaces à l'encontre d'une jeune femme

Poursuivi pour « injure », « envoi réitéré de messages malveillants », « menace d’atteinte à la vie privée » et « harcèlement » contre Binti Bangoura, une jeune femme de 34 ans rencontrée sur les réseaux sociaux deux ans plus tôt, Alain Soral a échappé à une peine de prison ferme mais pas à une condamnation. Habituellement prompt à transformer ses procès en tribune, l’idéologue anti-système a préféré ne pas faire la publicité de celui-là.

[Edit 29 novembre] Le verdict est tombé ce mardi. Malgré les six mois de prison ferme requis par la procureur, Alain Soral n’a pas été condamné à une peine d’emprisonnement. Il écope de 6 000 euros d’amende et 5 000 euros de dommages et intérêts pour « menaces d’atteinte à la vie privée » et « envoi réitéré de messages malveillants ». Cette amende peut se transformer en emprisonnement s’il ne s’acquitte pas de la somme dans son intégralité. Il a été relaxé pour les autres infractions.

L’article qui suit a été publié le 21 octobre, au lendemain du procès.

 

Alain Soral est un habitué des prétoires. Condamné à six reprises depuis 2008, le polémiste qui aime à se présenter comme « judéophobe » connaît comme sa poche le chemin qui conduit à la 17ème chambre du Palais de Justice de Paris, celle qui tranche les délits de presse. A chaque nouvelle convocation, il en profite pour parader et faire son show devant une audience souvent acquise à sa cause. Rien d’étonnant : les rendez-vous de Soral devant les juges font systématiquement l’objet d’une communication sur son site Egalité & Réconciliation, très suivi par ses fans.

Pas cette fois. A la rubrique « procès en cours », aucune mention de l’audience de ce jeudi 20 octobre. Rien non plus sur la page Facebook de l’idéologue proche de Dieudonné. Pour l’auteur de Misères du désir, s’afficher dans un dossier où une femme noire l’attaque pour « injure publique » et « raciale », « envoi réitéré de messages malveillants », « menaces d’atteinte à la vie privée » et « harcèlement », ne correspond pas au plan com’ habituel. Absent à l’audience, Soral a laissé le soin à son conseil, Maître Drici, de se dépatouiller face à la plaignante d’origine franco-guinéenne de 34 ans, et son avocat, Maître Honegger. 

Cette sombre histoire débute au mois de mars 2014. A l’époque, Binti Bangoura prend contact avec Alain Soral pour « qu’il poste sur sa page » Facebook un article sur l’Afrique, selon les explications que la jeune femme livre à la barre du tribunal. Son interlocuteur feint de s’y intéresser puis passe à autre chose : « Il commencé à poser des questions sur moi ». Un échange virtuel et courtois s’engage avec celui qui se comporte alors comme un « gentleman ». SMS, messages Skype, courriels,… la relation, d’abord formelle, prend un tour plus personnel, ainsi que nous l’avions déjà largement détaillé.

« Ecoute-nous bien crasseuse… »

Au cours d’un flirt 2.0 de près de quatre mois, et sur une idée originale d’Alain Soral, des photos intimes sont échangées. Une rencontre est même envisagée. Jusqu’à ce que Binti Bangoura décline la proposition, le 16 août 2014, provoquant la fureur du dragueur. Les textos d’insultes tombent aussitôt en rafale : « Tu peux aller te faire foutre » ; « Ton destin est d’être un fantasme à vieux blanc juif pervers… » ; « Les blancs prennent les blacks pour des putes (ce qu’elles sont le plus souvent) » ; « Finalement il ne te reste de sûr que les juifs et les pédés ! » ; « Les pédés comme amis pour t’écouter chialer que ton destin c’est d’être une pute à juifs… » 

Le lendemain, la jeune femme reçoit un mail de Soral avec une photo d’elle en pièce jointe : « Je te renvoie cette photo, j’ai trop peur qu’elle se perde et se retrouve sur Facebook, les gens sont si méchant. » Puis un autre envoyé, cette fois, depuis une boîte mail anonyme : « Salut, notre ami vient de nous filer tes photos…pas mal… Alors écoute nous bien crasseuse et passe le message à qui tu veux : Si on entend reparler de toi : 1) Diffusion publique de tes photos et crois-nous on a du fan sur youtube et nos sites (…) Donc un conseil, oublie alain (…) et ne t’avise pas de venir sur paris quoique l’angleterre c’est pas loin. »

Isolée, Binti décide de prendre attache avec un Jo Dalton, un rappeur et ancien membre du gang des Blacks Dragons, en guerre ouverte avec Soral. Début novembre, « Jo» met en ligne sur Youtube une vidéo directement adressée à son rival titrée « C ki la négresse ? ». Dans la foulée, un selfie de l’éconduit complètement nu est publiée sur le blog du paparazzi Jean-Claude Elfassi. Les menaces redoublent. Une page facebook – « Binti machiavélique » – est créée et alimentée par des photos de la jeune femme ; des articles à charge sont publiés sur Egalité & Réconciliation ; une vidéo intégralement consacrée à cette histoire est tournée par l’homme au t-shirt « Goy »…

« Soral a beaucoup de pouvoir sur internet »« Je me suis senti harcelée et menacée, témoigne devant le tribunal l’ex-mannequin aux longues tresses noires. Je devenais complètement paranoïaque… ma manière de vivre a changé. » Binti tombe en dépression. Elle est suivie par un médecin psychiatre. « Soral a beaucoup de pouvoir sur Internet, poursuit-elle, visiblement émue. Quand il dit quelque chose, il est suivi par plein de gens. Eux aussi ont commencé à m’insulter, cela devenait ingérable pour moi ». Son avocat évoque « une campagne de harcèlement avec un but bien précis : faire taire Mme Bangoura ».

Après avoir écouté patiemment le récit de la partie civile, Lahcène Drici, l’avocat de Soral, sert une défense toute trouvée : les SMS, messages Facebook ou mails versés au dossier n’ont pas fait l’objet d’un constat d’huissier, ils ne constitueraient donc en aucun cas des éléments de preuve. D’autant que son client « conteste tout ». Et l’avocat de convoquer Euclide : « Ce qui est affirmé sans preuve peut être nié sans preuve. » 

Après deux heures d’échanges, c’est au tour de la procureur de prendre la parole. Estimant que les délits d’injure doivent être abandonnés pour cause de prescription, elle requiert tout de même une peine de six mois de prison ferme à l’encontre d’Alain Soral. Le jugement est mis en délibéré au 29 novembre.

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