Il est l’autre vainqueur du premier tour de la primaire à droite. Le directeur de campagne de François Fillon avait déjà fait gagner Jacques Chirac à la présidentielle de 1995 et Valérie Pécresse aux régionales de 2015. Alors qu’Alain Juppé n’avait pas donné suite à ses offres de service pour la primaire, c’est chez l’outsider du scrutin qu’il a confirmé ses qualités d’organisateur hors pair.
Il contrôle tout, jusqu’au plus petit détail. Un peu avant 22 heures, le soir de ce dimanche 20 novembre, Patrick Stefanini demande un peu de calme dans le couloir du QG parisien de François Fillon. L’euphorie a gagné l’équipe, qui a du mal à croire à la percée fulgurante de son candidat au premier tour de la primaire. Pas le directeur de campagne, dont le visage reste impassible. Alors que le héros de la soirée ne va pas tarder à arriver, il donne ses consignes : « Une partie d’entre vous va sortir pour l’applaudir, il faut faire une haie d’honneur. » Tout le monde obéit sans broncher.
Bien soigner les images, mobiliser les troupes jusqu’au bout, rester concentré tant que rien n’est plié. Voilà le style Patrick Stefanini. A 63 ans, ce haut fonctionnaire est plus que jamais l’homme en vue dans les arcanes de la droite. Une remontée fulgurante dans les derniers instants, suivie d’un succès éclatant : le scénario qui a conduit Fillon en tête dimanche, Stefanini l’a déjà connu. En 1995, il dirigeait la campagne présidentielle de Jacques Chirac. Donné perdant par tous les sondages deux mois avant l’échéance, le maire de Paris avait finalement coiffé au poteau son rival à droite, Edouard Balladur. L’an dernier, Patrick Stefanini s’est mis au service de Valérie Pécresse pour les élections régionales en Ile-de-France. Une campagne d’une rare violence gagnée d’un cheveu face au socialiste Claude Bartolone.
Jamais deux sans trois, serait-on tenté de dire. Mais le triomphe de François Fillon à la primaire prend une saveur encore plus particulière lorsqu’on sait que Patrick Stefanini avait d’abord proposé ses services à… Alain Juppé ! Les deux hommes sont très proches. Stefanini a été le directeur adjoint du cabinet de Juppé à Matignon en 1995, avant d’être l’un de ses auxiliaires à la tête du RPR. Il a été condamné à ses côtés en 2004, dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Et sa proximité avec le maire de Bordeaux n’est sans doute pas pour rien dans sa nomination comme préfet de la région Aquitaine en 2011.
Un an plus tard, la gauche l’écarte du poste et Patrick Stefanini retourne au Conseil d’Etat, où il s’ennuie ferme. François Fillon, qui n’est clairement pas le favori de la primaire, propose alors à l’énarque de diriger sa campagne. Mais l’intéressé veut d’abord sonder les intentions de Juppé. Début 2014, les deux hommes dînent ensemble à Bordeaux. Stefanini tente de faire comprendre à Juppé qu’il est prêt à se mettre à son service, mais l’ancien Premier ministre refuse de lui dire s’il sera candidat et ne donne pas suite. L’ancien préfet fait donc son choix : ce sera Fillon.
A ses côtés, il met méthodiquement en place un dispositif implacable, dont il se félicitait encore auprès de Marianne à deux jours du premier tour : « Nous, on a fait campagne ! On a tracté, on a diffusé un journal de campagne à plus d’un million d’exemplaires, une armée de gusses a arpenté la France dans tous les coins. Et puis il y a les fondamentaux : Fillon est plus raisonnable que Sarkozy, mais il est plus à droite que Juppé, ce qui correspond mieux à la situation du pays. » Ça tombe bien, Patrick Stefanini aussi est bien à droite. Au début du quinquennat Sarkozy, c’est lui qui a conçu le fameux ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale – et la très stricte politique qui allait avec. « Politiquement, il correspond plus au positionnement de Fillon qu’à celui de Juppé », note l’un de ses interlocuteurs lorsqu’il était préfet d’Aquitaine, qui se souvient d’un homme « d’une efficacité redoutable, qui maîtrise parfaitement les dossiers et connaît la chose publique sur le bout des doigts ».
Cet austère n’est pourtant jamais parvenu à lancer sa propre carrière politique. Paradoxalement, l’homme qui fait gagner les campagnes les a toutes perdues lorsqu’il était lui-même candidat ! A Nice aux municipales de 1995, puis à Paris aux législatives de 1997 et 2002, il a échoué à l’épreuve du suffrage universel. Etrange destin d’un homme qui ne brille jamais autant que lorsqu’il reste dans l’ombre.
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