La profonde adresse de François Fillon

La cour. Sixième épisode d’une peinture d’un régime qui file. Cet édito a été publié dans « Marianne » le 17 novembre, alors même que les sondages peinaient à anticiper l’effet Fillon. Les résultats de ce 20 novembre le placent largement en tête avec 44% des voix.

Une semaine plus tard, la cour demeurait encore ébouriffée de l’élection dans les anciennes colonies d’Amérique de Donald Trump et, surtout, de la défaite de son adversaire, Hillary Clinton, qui invoquait, tour à tour, pour justifier son échec la cuistrerie du FBI, le mode de scrutin présidentiel de son pays qu’elle venait apparemment juste de découvrir, une pumpkin pie mal cuite qu’elle n’avait pas digérée et, bien sûr, le complot des Illuminati.

Au Château, on pouvait croiser des conseillers du prince, l’œil hagard, comme s’ils sortaient de l’opus 4 de Very Bad Trip. Car personne, et il faut bien ici insister sur le «personne», n’avait prévu dans l’entourage du souverain une aussi spectaculaire débâcle. La stupeur avait été telle que le prince et son ministre des Affaires étrangères avaient mis du temps avant de trouver une réaction appropriée face à cet événement incongru, alors même que les cours princières allemandes avaient déjà pris langue avec le nouvel élu. Pensez donc : voir défaits en rase campagne le parti des Médias et le parti des Sondeurs ! Deux éminentes cabales précisément choyées par le souverain qui avait abandonné toute idée que le Parti socialiste puisse lui être d’une quelconque utilité dans sa nouvelle candidature. Car le roi François «le Simple», alors que son domaine électoral tombait en quenouille, n’avait nullement abandonné l’idée de reconquérir le cœur de ses sujets, y compris des sujets, fort nombreux, de mécontentement.

Et la cour de se tourner vers le tournoi qui oppose les futurs champions de la droite. Va-t-on assister à une surprise de même nature bouleversant le paysage politique et ruinant les ambitions les plus aiguisées puisque les citoyens sont de plus en plus enclins à souffleter tous ces importuns qui se prennent pour des importants ? C’est que, depuis le début, médias et sondeurs ont décidé que le combat final opposerait le duc de Bordeaux et le prince du cap Nègre.

Il y a du Pompidou chez Monsieur Fillon.

Or, il existe un moyen fort simple d’orienter un choix : ne tester qu’une hypothèse, fortifiant ainsi la croyance que toute cette affaire de la primaire de la droite et du centre (enfin, ce qu’il en reste) n’a été construite que pour habiller l’affrontement entre Alain Juppé dont on ignore ce qu’il pense et Nicolas Sarkozy dont on ne comprend pas ce qu’il fait. Or, depuis le début, pour peu que l’on regarde ce qui se passe et non ce qu’on rêverait de voir se passer, un politique se distingue de cette affaire tant par le ton que par le fond (ce que nous écrivions ici même il y a un bon moment) : c’est François Fillon.

Il y a du Pompidou chez M. de Fillon et ce, pas uniquement en raison de leur air broussailleux. Le second n’a d’ailleurs jamais caché son admiration pour le premier qu’il estime être le pur produit de «la méritocratie républicaine». On retrouve chez ces deux hommes un même enracinement dans deux départements fortement marqués par la ruralité : le Cantal et la Sarthe. Ce mélange entre un goût certain pour le conservatisme et un souci de modernité quand celle-ci s’applique à désenclaver la France, allant jusqu’à un goût prononcé pour les avancées technologiques. Pompidou et Fillon furent Premiers ministres, ce qui est loin d’être anodin. Ils furent considérés comme des ingrats pour avoir refusé de couler leur destin dans le béton du mausolée que l’on élevait en l’honneur du monarque précédent. Ils lancèrent pour ce faire un appel de l’étranger, l’un de Rome, l’autre de Tokyo. Les deux, pour reprendre l’expression de ce passeur qu’est Jean de Boishue, sont issus de ce «gaullisme serein mais peu bavard». D’où cette forme de pudeur ironique que l’on retrouve chez Fillon quand il remet à sa place l’info politique «rigolote» ou maintient à une courtoise distance Karine Le Marchand.

De plus, si Pompidou n’a jamais incarné le «chef de guerre» si vanté par Jacques Chirac, il représente bien la solidité. Or, toute la campagne de Fillon s’est construite autour de cette idée, au point qu’il n’a jamais souhaité dévier de la stratégie qu’il avait adoptée, y compris quand on le rangeait au printemps dernier dans les profondeurs du classement de cette primaire.

Et puis Fillon raconte une histoire que ne racontent ni Juppé, ni Sarkozy, trop occupés à s’entre-dévorer. Voilà des mois que ces derniers se balancent de l’identité à la tête comme de la vaisselle sale. Fillon s’est bien gardé de s’immiscer dans cette querelle un brin trop intello et totalement éloignée des préoccupations réelles des Français. Si l’on écoute ses discours précédents, il dépasse cet antagonisme pour parler de souveraineté, chaussant cette fois les bottes d’un Philippe Séguin. L’idée générale de Fillon est simple : si l’on admet que l’on est en guerre contre le totalitarisme islamiste, alors, il faut une économie qui soit en mesure de soutenir cet effort de guerre – d’où l’urgence des réformes à ses yeux. Dans le combat qu’ils ont mené contre un autre totalitarisme, de Gaulle ou Churchill ne se sont jamais posé la question de l’identité de leurs nations, ils savaient tout bonnement qu’il s’agissait de rétablir la souveraineté de leur pays respectif. Cette vision globale qui embrasse économie, politique étrangère, politique intérieure donne une cohérence à la démarche de Fillon et pointe, jusqu’à présent, la fragilité de ses adversaires et la vacuité de ses concurrents.

 

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