Résumer la colère des policiers depuis plus d’un mois aux seules décisions de justice inadaptées à la dangerosité de notre métier serait une erreur…
Depuis plus d’un mois, presque chaque jour, des centaines de policiers issus quasi intégralement du corps des gradés et gardiens de la paix descendent spontanément dans la rue de jour comme de nuit pour exprimer leur colère, leur mal être, des conditions de travail pitoyables et un manque de protection et de reconnaissance de leur travail.
Résumer cette colère aux seules décisions de justice inadaptées à la dangerosité de notre métier serait une erreur.
Certes, il n’est plus tolérable que, face à la croissance des violences et outrages commis à l’encontre des policiers, la justice ne redresse pas la barre et continue à prononcer des sanctions trop souvent clémentes à l’endroit des auteurs des faits.
Un outrage à magistrat est doublement sanctionné que pour un policier ! Si en ce domaine, des promesses nous ont été faites par le Président de la République, rien ne changera si les mentalités ne changent pas ! Trop de couloirs de tribunaux résonnent de la lamentable rumeur laissant entendre que, pour les policiers, l’outrage serait source de revenus complémentaires…
Oui, il est également nécessaire que les textes liés à la légitime défense évoluent afin que le policier ne puisse plus être considéré comme un citoyen « lambda » en ce domaine. Pourquoi devrions-nous accepter plus longtemps d’être, au gré des textes, plongés une fois dans le droit commun et, une autre fois, subir le régime des circonstances aggravantes (faits commis par un agent dépositaire de la force publique = peines aggravées) ?
Pour autant, comme je l’ai dit précédemment, les raisons de la légitime colère policière ne saurait être limitées à ces carences judiciaires et je suis même convaincu que la résolution positive de celles-ci ne résoudraient pas tout, loin s’en faut. Non, cela ne règlerait pas tout car le véritable mal de cette police remonte à 1995, année de la création du corps de conception et de direction et du corps de commandement.
Oui, c’est depuis 21 années que le ver de la déliquescence s’est introduit dans nos rangs, ver ayant au fil des années creusé un gouffre entre ceux (les commissaires) n’ayant pour seule ambition que de se comporter comme des hauts-fonctionnaires calant leurs carrières sur celle des administrateurs civils sortis de l’ENA, et ceux rêvant (les officiers) à haute voix de devenir des commissaires…
Et pendant ce temps-là, seuls les gradés et gardiens assurent la sécurité de nos concitoyens tout en subissant au quotidien tant les violences de la rue que les brimades et le mépris d’une hiérarchie intermédiaire et sommitale. Cette hiérarchie s’est purement et simplement transformée en outils à statistiques avec pour seule notion de solidarité, l’ambition de gagner plus !
La méritocratie et la politique du chiffre ont vérolé notre police républicaine en transformant nos vrais tauliers d’hier en directeurs des ressources humaines des pires magasins de la grande distribution : pour ces soi-disant hauts-fonctionnaires, le gardien de la paix est un outil dont on doit pouvoir se servir n’importe comment, n’importe quand, n’importe où et au tarif le plus faible possible !
Qu’importe la fatigue du policier, qu’importe si nos collègues divorcés ne peuvent plus voir leurs enfants, qu’importe si pour la énième fois, le gardien de la paix ne sera pas là pour fêter l’anniversaire de son gamin ou à ses côtés pour le voir s’émerveiller devant un cadeau de noël, qu’importe… la machine à produire des chiffres ne doit jamais ralentir !
Oui les flics, les vrais, en ont marre de cette hiérarchie sommitale formée pour gérer des réunions de quartiers en y écoutant leurs habitants mais absolument pas formée pour connaître le vrai métier de policier, celui de gardien de la paix. Les gradés et gardiens n’en peuvent plus d’être payés moins de 8 euros par nuit à prendre trop souvent des insultes, des coups et des rappels sans vergogne pour une virgule manquante sur un procès-verbal. Les flicards n’en peuvent plus des chefs de service ignorant la difficulté de leurs régimes de travail, faisant tout pour retarder sinon même annuler une réforme porteuse d’espoirs, usant de théories toutes aussi mensongères les unes que les autres. Les femmes et les hommes de terrain n’en peuvent plus de cette hiérarchie intermédiaire prétendue être une hiérarchie d’experts, se déchargeant sans cesse sur leurs subordonnés.
Ne nous leurrons pas, la déflation du corps de commandement n’aura jamais lieu, ou du moins pas avant le terme échu de la progression salariale obtenue, POUR EUX, en avril dernier… Pour autant, il n’est pas question, dans la politique syndicale que je mène, de transformer notre police en une vaste armée mexicaine. Notre objectif à atteindre est que la base puisse être commandée par des officiers et des commissaires qui connaissent le métier de gardien de la paix avec tous ses risques et toutes ses contraintes.
Il existe encore, mais trop peu, de vrais responsables conscients des difficultés subies par leurs collègues de terrain. Ces responsables, que là on peut appeler patrons, sont respectés car reconnus pour leurs compétences, tant à la frontière franco-espagnole ou au pays basque français, qu’il y a encore quelques jours au commissariat de Calais.
Pour ce faire nous avons, le 26 octobre dernier, demandé au président de la République qu’une période probatoire de plusieurs mois, en tant que gardien de la paix, soit rendue obligatoire pour tous nos responsables hiérarchiques à l’issue ou pendant leur scolarité.
1995 – 2016… En dix ans, aucun gouvernement n’a su faire stopper cette machine infernale à détruire la solidarité policière.
La mise en place des tristes primes aux résultats ne faisait qu’empirer les choses. I.R.P d’un bord, P.R.E d’un autre, véritables roues destructrices d’une police française ne faisaient qu’aggraver la situation où l’humain n’était alors plus au cœur du débat. C’est pourquoi, il est impératif que toutes ces primes, symboles d’une crise sans précédent, soient supprimées et que cet argent soit ventilé pour une revalorisation indemnitaire des gradés et gardiens de la paix.
Ce constat est renforcé par un dialogue social tronqué. Preuve en est faite avec les accords de Bercy, stipulant qu’un accord ne devrait être validé que s’il est accepté par 50% des représentants élus du personnel, ils ne sont pas appliqués ! Qu’importe si une majorité voire pire, si une unanimité des syndicats refuse un texte en comité technique, l’administration le passera en force sous quelques jours sans devoir considérer l’expression des représentants du personnel. Cette parodie de démocratie est là aussi une des causes du mal !
Alors pourquoi avoir attendu cette colère pour que le syndicaliste que je suis le dénonce ? La cause repose sur le fonctionnement de notre institution policière, institution ou le délit d’opinion est patent. Un constat d’opinion qui s’image simplement au travers des mutations et avancements. Un syndicat dénonçant le management, la méritocratie, un syndicat rejetant un concept de commandement inadapté, un syndicat refusant de signer un protocole insuffisant pour ses mandants sera fatalement sanctionné par une administration n’acceptant que la contestation de bout de lèvres et particulièrement « policée »….
C’est de ces pactes de non-agression, de politiquement correct, qu’ont marre aujourd’hui nos collègues de terrain.
Oui, il faut réformer le fonctionnement syndical. Oui, il faut avoir le courage de s’opposer pour l’intérêt de toute une profession. Non, ce n’est pas ça la lutte des classes et ce n’est pas d’une lutte des classes que nous voulons, mais nous voulons une hiérarchie qui soutienne et défendent les gradés, gardiens et adjoints de sécurité, sans regarder les fameuses statistiques qui feront évoluer leurs primes de fin d’année.
Tout ça, c’est cela le syndicalisme responsable que j’ai mis en place depuis mon élection et dont nous voulons être, depuis septembre 2015, les porte-flambeaux.
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