Ceta : les trois leçons du Professeur Magnette

Paul Magnette, le Ministre-Président de la Wallonie a refusé la signature du traité de libre-échange entre l’Union Européenne et le Canada (Ceta), en négociation depuis des années. Je me réjouis de cette excellente nouvelle. En refusant de plier face aux pressions invraisemblables qui le sommaient de donner son aval, Paul Magnette vient d’administrer une triple leçon aux eurocrates de Bruxelles, mais aussi aux élites françaises qui font preuve de lâcheté démocratique et de cécité économique et politique.


Qui a voté pour ça ? 

D’abord, une leçon de démocratie. Le Ceta, comme son grand frère le Tafta, pose en la matière d’immenses problèmes. Les citoyens comme leurs représentants élus connaissent à peine l’objet de négociations menées dans le plus grand secret. Ils sont ensuite placés devant le fait accompli, sommés d’approuver au pas de charge. A cette méthode post-démocratique s’ajoute un problème de fond. Le pouvoir de chantage des multinationales sur les Etats sortirait renforcé de ces accords, qui prévoient l’instauration de mécanismes d’arbitrages qui promettent la privatisation de la justice. D’autant que ces traités mettent en cause les protections sociales et environnementales, l’exception culturelle, les droits de l’homme, le service public, le droit du travail…Un peuple a-t-il jamais validé de telles orientations ? Quand ? Et où ?

Un accord perdant pour l’Europe

Ensuite, une leçon d’économie. Il faudra un jour que les élites mondialisées fassent la démonstration que l’extension de la libéralisation des échanges serait une bonne chose pour l’économie, nos entreprises, nos emplois. Qu’ils exhibent des faits probants, qu’ils fournissent des données objectives ! Une récente étude de l’université Tufts estimait que le Ceta aurait des effets extrêmement défavorables sur la croissance, l’emploi et le revenu. L’impact négatif sur la croissance du revenu national est estimé à -0,96% pour le Canada, -0,49% pour l’Union, -0,65% pour la France. Le Ceta entraînerait aussi la destruction nette de 200 000 emplois dans l’Union et 45 000 en France. Les recettes publiques seraient également affectées à la baisse (-0,2%) ainsi que le revenu des ménages (-1331 euros par ménage en France). Loin de la vision idyllique portée par les technocrates de la Commission européenne, le libre-échange forcené sert les intérêts de la finance contre les peuples. Ce n’est pas seulement injuste, ce n’est tout simplement pas viable.

L’art de la contre-attaque

Enfin, une leçon de politique. Dans une époque où la défiance des citoyens à l’égard de la classe politique est déjà immense, Paul Magnette a préféré écouter les doutes légitimes de sa population. Ce juste choix est d’autant plus embarrassant pour les tenants de la « mondialisation heureuse » qu’il leur sera difficile de caricaturer Paul Magnette, ce social-démocrate bon teint, comme un nostalgique ou un partisan du repli sur soi. En twittant dimanche 23 octobre « dommage que les pressions de l’UE sur ceux qui bloquent la lutte contre la fraude fiscale ne soient pas aussi intenses », Paul Magnette a démontré qu’il était capable de contre-attaquer avec habileté, portant la contradiction au cœur des institutions européennes.

 

Supprimer la Commission pour réinventer l’Europe

Ce nouvel épisode dans la succession des crises qui secouent l’Union Européenne devrait appeler les responsables politiques à regarder enfin le monde tel qu’il est plutôt que tel qu’ils voudraient qu’il soit. Il n’est plus supportable de confier à une institution non-élue un pouvoir discrétionnaire si important. Je propose d’abord de défédéraliser l’Europe pour la sauver. Cela suppose de supprimer la Commission européenne et de construire une nouvelle Europe qui soit une coopérative des peuples et des nations.

Nous devons également réformer l’organisation du commerce international en établissant le principe de l’équilibre des échanges. Chaque pays devrait pouvoir instaurer des droits de douane progressifs lorsque ses échanges avec une autre partie contractante sont déficitaires. Les excédents des uns sont les déficits des autres, et ces déséquilibres sont les véhicules des crises qui viennent. Le poids de l’ajustement ne doit pas seulement reposer sur les pays déficitaires : telle est la vision du véritable internationalisme. C’est une question de justice, de démocratie et d’efficacité.

Je souhaite enfin rendre le référendum obligatoire en vue de la ratification par le peuple de tout projet de traité européen ou de grand traité commercial. Sur ces questions fondamentales, les citoyens doivent avoir le dernier mot.

 

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