Le camp Sarkozy a lancé une violente offensive contre le maire de Pau et son soutien à Alain Juppé pour la primaire. De quoi placer au centre du jeu François Bayrou, qui observe la situation en se pourléchant les babines. Car s’il s’est pour l’instant rangé derrière le maire de Bordeaux, le patron du MoDem n’a renoncé à rien…
C’est une spécialité toute sarkoziste. Quand on est en campagne, il faut régulièrement agiter un nouveau chiffon rouge pour être au centre du débat. Et en ce moment, le chiffon s’appelle François Bayrou ! Certes, cela fait plusieurs années que Nicolas Sarkozy règle ses comptes en public avec le maire de Pau, coupable d’avoir voté pour François Hollande en 2012 et de soutenir Alain Juppé aujourd’hui. Mais ces derniers jours, l’ancien président lui a réservé un traitement aux petits oignons. Jeudi dernier sur Europe 1, il lui a intimé de « respecter la règle de la primaire » – autrement dit, de soutenir le vainqueur, même si ce n’est pas Juppé. Dimanche, 165 sarkozistes ont embrayé en publiant dans le JDD une tribune saignante pour fustiger « le retour opportuniste de François Bayrou » qui, selon eux, « négocie des circonscriptions » pour « soumettre la future majorité à ses propres idées, éloignées d’une alternance franche et claire ».
Pour Nicolas Sarkozy, l’assaut sur Bayrou s’inscrit dans la droite ligne de l’objectif qu’il poursuit depuis le début de sa campagne : exciter ses troupes pour les surmobiliser. Après les Gaulois et les référendums, voici donc la séquence Bayrou, érigé en épouvantail devant des militants remontés à bloc qui ne demandent qu’à le déchiqueter. « C’est formidable, le citer en meeting est vraiment le truc qui marche le mieux », se réjouissait récemment le néo-sarkoziste François Baroin, cité par L’Express. Un argumentaire circule chez les lieutenants de l’ancien chef de l’Etat pour démontrer pourquoi « Bayrou, depuis le départ, est avec la gauche », comme le martèle l’un d’entre eux. Les sarkozistes sont allés jusqu’à déterrer le vote par Bayrou d’une motion de censure du PS contre… le gouvernement Villepin, en 2006 !
Le but est bien d’en faire un sparadrap pour Alain Juppé qui, pour l’instant, assume parfaitement le soutien du Béarnais. « Cette espèce d’obsession anti-Bayrou, ça commence à bien faire », a même tonné le maire de Bordeaux sur France Inter ce mardi. Tout en prenant le soin de rappeler qu’il n’a « pas approuvé le choix de François Bayrou en 2012 », Juppé juge que Bayrou est aujourd’hui « clairement en faveur de l’alternance ». Conclusion : « On ne va pas continuer à excommunier les uns et les autres. »
Excommunié ou pas, François Bayrou riposte tant qu’il peut, en profitant de l’exposition médiatique que lui offrent les attaques sarkozistes. « Responsable de l’entrée de François Hollande à l’Elysée, il n’y en a qu’un, il s’appelle Nicolas Sarkozy », a-t-il riposté lundi sur BFMTV. En privé, le maire de Pau exulte. Alors qu’il n’est même pas candidat à la primaire, voilà que cette polémique le met au centre du jeu, précisément ce qu’il cherche en vue de 2017. « La situation est intéressante », confiait-il avec gourmandise la semaine dernière.
Bayrou ne fait pas campagne avec Juppé et n’ira même pas voter à la primaire. Preuve que son soutien reste distancié. Il faut dire qu’en petit comité, il ne s’est jamais montré optimiste sur les chances de son voisin bordelais. Pour lui, « la primaire est un accélérateur de passions » qu’il juge « défavorable » à Juppé, guetté par le risque d’être « cornerisé ». Et puis, « les thématiques que pousse Nicolas Sarkozy sont celles qui intéressent les électeurs de la primaire », observe-t-il, non sans sous-entendus. Car si son ennemi s’impose en novembre, François Bayrou compte bien être celui qui se posera en rempart modéré face à la dérive droitière de l’ancien chef de l’Etat.
L’homme a les yeux rivés sur des sondages flatteurs : il est la troisième personnalité politique la plus populaire dans le dernier baromètre Ipsos/Le Point, comme dans la dernière enquête d’Odoxa pour la presse régionale. Le problème, c’est qu’il est bien seul à la tête de ce qui reste du MoDem : plus un seul député ne le soutient. Et un certain Emmanuel Macron vient le concurrencer dangereusement sur son terrain du centrisme anti-système. Preuve qu’il reste encore des embûches sur le chemin d’une quatrième candidature à la présidentielle.
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