En publiant « L’enfant qui mesurait le monde », Metin Arditi met en scène l’opposition entre deux projets de construction. Les habitants d’une île grecque doivent choisir entre bâtir un luxueux hôtel ou une école. L’occasion pour l’écrivain d’explorer les rapports qui lient les insulaires entre eux, et plus particulièrement la relation qui se noue entre un architecte à la retraite et un jeune autiste.
Suisse d’origine turque, Metin Arditi a toujours su tenir ses histoires par un fil tendu et sensible, entre réalisme et malice, entre Histoire et actualité – comme en témoignent d’ailleurs les titres de ses derniers romans : Prince d’orchestre (Actes Sud, 2012), La confrérie des moines volants (Grasset, 2013), Juliette dans son bain (Grasset, 2015) ou ce bel Enfant qui mesurait le monde. Ce dernier nous mène sur l’île grecque de Kalamaki, endroit de beauté naturelle entre Athènes et le Péloponnèse. C’est là que (sur)vit le retraité Eliot depuis le décès de sa fille, il y a douze ans, drame qui lui fit quitter New York et son bureau d’architecte, et revenir sur son île natale. Depuis, dans le calme, il entretient le souvenir de sa fille en terminant des recherches qu’elle avait débutées sur le nombre d’or. Son entourage, ce sont les voisins : Maraki, patronne de pêche, et son fils Yannis, autiste et surdoué, qui ne pense qu’à rétablir l’ordre du monde en effectuant de savants calculs.
Mais ce paradis est menacé par un projet de palace hôtelier grand luxe. Une contre-proposition voit le jour : bâtir une école. La seconde apporterait la sérénité, la première, du confort et une diminution de la dette. Le sel du livre reposera alors dans les considérations et conciliabules entre les habitants. Précis sans jamais être rasant, Arditi pointe les enjeux locaux, nationaux et continentaux. A hauteur d’homme, par un jeu de miroirs entre questions locales et globales, qu’il met en relation avec les turpitudes et la débrouillardise de ses propres protagonistes. A la hauteur de Yannis, ce prodige des chiffres qui compte tout, des kilos de poissons rapportés par les pêcheurs au nombre des clients au café. Rares sont les romans qui, comme celui-ci, portent la limpidité d’un conte au niveau de la complexité – et de la fatalité – du monde.
*L’enfant qui mesurait le monde, de Metin Arditi, Grasset, 303 p., 19 €.
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