Pour l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine, les récentes décisions françaises pour mettre Poutine au pied du mur n’ont guère d’impact. Un entretien à retrouver dans « Marianne » cette semaine. Extrait.
Marianne : Faut-il, vraiment, avoir peur de Vladimir Poutine ?
Hubert Védrine : Peur ? Je n’irais pas jusque-là. Vladimir Poutine est parfois agressif et choquant. Mais il ne représente pas une menace globale comme l’URSS et n’a certainement pas l’intention ni les moyens de reconstituer l’empire russe ou soviétique. Cependant, certaines provocations envers l’Otan pourraient dégénérer. C’est exaspérant et perturbant pour l’Occident qui avait tenu depuis 1992 la Russie comme quantité négligeable (depuis vingt-cinq ans, les torts sont partagés). Poutine ne veut plus d’une Russie paillasson, même s’il emploie pour cela des moyens détestables, et ruineux pour son économie. Pour autant, il ne s’agit pas d’une guerre froide entre deux systèmes globaux et rivaux. Vladimir Poutine pousse ses pions là où il le peut, à la périphérie de la Russie, en Géorgie, ou en Crimée quand des fautes sont commises en face. Il n’agit pas de la même manière en Asie : il y est sur ses gardes face à la Chine, en dépit de l’union de façade que les deux pays ont esquissée au sein de l’organisation de Shanghai.
C’est pourquoi il faut prendre Poutine au sérieux, sans angoisse. Il faut à la fois savoir être forts, fermes et dissuasifs – à ce titre, il n’est pas anormal que ses voisins membres de l’Otan veuillent une présence de celle-ci sur leur sol -, et néanmoins il faut continuer à parler et à coopérer avec lui.
Vladimir Poutine peut-il nous aider à résoudre le conflit syrien ?
La question se pose à l’envers. Ont-ils besoin de nous ? La politique suivie par les Occidentaux, en particulier les Etats-Unis et la France, depuis le début du printemps arabe en Syrie, et donc de la guerre civile, a échoué. Nos motivations étaient morales, mais nous sommes hors jeu. Nous ne sommes pas associés aux dernières tractations russo-américaines sur Alep, qui d’ailleurs ne débouchent sur rien. Les Russes doivent penser qu’ils n’ont pas besoin des Occidentaux et qu’ils verront bien après, quand ils auront reconquis la Syrie non désertique. Le moins pire dans l’immédiat serait que les combattants soient autorisés à partir sans le contrôle de l’ONU (et de son envoyé spécial, Staffan de Mistura), avant l’inéluctable reconquête du quartier rebelle d’Alep par Damas et les Russes. Mais ce n’est pas nous, les Français, qui allons régler la question syrienne. Peut-être reviendrions-nous dans le jeu en représentant un plan politique pour la Syrie d’après ? Mais cela ne peut se faire aussi qu’avec les Russes et les Américains. De toute façon, Poutine engrange ses gains avant la présidentielle américaine. Pour le moment, nous ne sommes pas en situation.
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