Enfoncé par Valls, Hollande présente ses regrets aux magistrats

Le chef de l’Etat a envoyé ce vendredi une lettre aux plus hauts magistrats dans laquelle il « regrette » platement ses propos rapportés sur la justice, « une institution de lâcheté ». Même Manuel Valls l’a recadré, en appelant à « de la pudeur » et « de la hauteur de vue ». C’est dire…

« Une institution de lâcheté. » François Hollande a lâché la formule au détour d’un entretien qui date de mars 2014. Rapportée dans le livre des journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme (Un président ne devrait pas dire ça, Stock), elle a détruit le crédit qui lui restait auprès des magistrats, une corporation qu’à défaut de combler, il n’avait jamais attaquée, contrairement à Nicolas Sarkozy. Alors à l’Elysée, en bons habitués des opérations sauvetage, on tente désespérément de réparer les pots cassés. Ce vendredi 14 octobre, François Hollande a adressé pas moins de cinq lettres aux plus hautes institutions judiciaires – dont le Conseil supérieur de la magistrature – qui se sont toutes scandalisées de ses propos, ainsi qu’à trois syndicats de magistrats.

Le texte est le même dans chacune d’entre elles. Le chef de l’Etat « regrette profondément ce qui a été ressenti comme une blessure par les magistrats » dont il « mesure, chaque jour, le courage et le dévouement dans la mission difficile qui est la leur ». Ces « propos publiés dans un livre » sont « sans rapport avec la réalité de ma pensée comme avec la ligne de conduite et d’action que je me suis fixé » (vous repérerez au passage la faute d’accord…), écrit François Hollande, qui ne dément donc pas les avoir tenus. Et pour cause : dans leur ouvrage, les deux journalistes du Monde écrivent avoir enregistré toutes les confidences du président…

« Il faut de la hauteur de vue », tance Valls

C’est le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas qui a remis la missive aux hauts magistrats, qu’il recevait ce vendredi en catastrophe à la chancellerie pour les assurer de « son absolue confiance en l’institution judiciaire ». François Hollande ne peut pas compter sur un soutien aussi clair de certains autres de ses ministres, qui se sont répandus anonymement dans la presse pour faire part de leur consternation. Mais, plus surprenant, d’autres reproches sont venus de Manuel Valls lui-même. En visite au Canada jeudi, le Premier ministre a certes d’abord affirmé que « rien n’a été fait contre la justice » sous le quinquennat Hollande. Mais quelques heures plus tard, auprès de quelques journalistes, Valls a multiplié les reproches au chef de l’Etat, selon des propos rapportés par France Info :

 « Il faut que nos comportements soient dignes. Il faut de la pudeur, il faut de la hauteur de vue, il faut être sur les sujets qui intéressent les Français et concentrés sur une seule tâche : servir notre Patrie et nos compatriotes. »

Voilà donc François Hollande recadré par son propre Premier ministre, dont il ne cesse de louer la « loyauté absolue » (c’est aussi dans le fameux livre de confidences !). Preuve que les derniers boucliers du bavard chef de l’Etat sautent les uns après les autres.

 

Quand Hollande trouve les magistrats « courageux »…

C’est à la page 388 du livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme que l’on lit les propos inflammables de François Hollande sur les magistrats. Nous sommes le soir du 13 mars 2014 et, lors d’un de ses 61 entretiens avec les deux journalistes, le président prend la défense de la garde des Sceaux Christiane Taubira, prise dans une polémique après avoir affirmé qu’elle n’était pas au courant des écoutes visant Nicolas Sarkozy… tout en brandissant des documents disant le contraire ! Au détour de la conversation, François Hollande éreinte la justice, « une institution de lâcheté ». « Parce que, c’est quand même ça, tous ces procureurs, tous ces hauts magistrats, on se planque, on joue les vertueux… On n’aime pas le politique. La justice n’aime pas le politique… » Le chef de l’Etat évoque ensuite les mésaventures d’anciens ministres de la Justice : « Ce n’est pas une engeance facile la magistrature, il ne faut vraiment pas commettre de fautes, on peut être lynché, comme garde des Sceaux : Arpaillange avait été lynché, Chalandon avait été lynché, Nallet a été lynché… » Mais à propos des écoutes de Nicolas Sarkozy et de la polémique Taubira, François Hollande affirme pourtant : « Tout le monde a eu peur. A la chancellerie, ils devaient avoir peur. Ecouter un ancien président, c’est courageux de la part des magistrats. Ils ont pris beaucoup de risques. » Un petit hommage passé inaperçu, qui ne rattrapera pas la bourde présidentielle. 

 

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