Emmanuel Macron: "La République est ce lieu magique qui permet à des gens de vivre dans l'intensité de leur religion"

Dans un débat avec Jean-François Kahn organisé par « Marianne », Emmanuel Macron se positionne sur le sujet de la laïcité, s’opposant vivement aux appels « à la discrétion » des musulmans de Jean-Pierre Chevènement et Manuel Valls. Il estime que la République est « ce lieu magique qui permet à des gens de vivre dans l’intensité de leur religion » et pense qu’un catholique pratiquant, par exemple, peut « considérer que les lois de la religion dépassent les lois de la République », « dans sa conscience profonde ». Extrait.

Marianne : Il y a une somme d’angoisses identitaires, liées à la montée du communautarisme et de l’islamisme, qui préoccupent les Français. Beaucoup de responsables politiques mettent en avant la laïcité comme une réponse indispensable. A plusieurs reprises, vous avez mis en garde contre la «laïcité revancharde», celle qui peut «séparer, diviser». C’est quoi, la «laïcité revancharde» ? C’est Manuel Valls ?

Emmanuel Macron : Je ne suis pas dans un débat personnel. La laïcité permet dans l’espace public de vivre ensemble dans le respect les uns les autres et dans le respect des valeurs de la République. Quand je dis qu’il faut se méfier, c’est que le débat politique ne doit pas faire de la laïcité une arme contre un monothéisme. La laïcité est là pour dire : «Je ne veux pas que la société soit soumise aux tentations hégémoniques d’une religion.» Hier, la religion catholique. Aujourd’hui, pour nombre de nos concitoyens, la religion musulmane.

C’est très important de faire respecter la neutralité du service public. La religion ne peut pas être présente à l’école. Toutefois, j’entends peu de gens émus lorsque les conséquences de ce débat envoient de plus en plus d’enfants dans des écoles confessionnelles qui leur enseignent la haine de la République, professent des enseignements essentiellement en arabe ou, ailleurs, enseignent la Torah plus que les savoirs fondamentaux. Quand certains réclament des menus dans les écoles sans aucun accommodement et veulent que tous les enfants mangent du porc, ils pratiquent une laïcité revancharde dangereuse. (…)

« Je suis contre l’interdiction du voile à l’université. »

Même chose sur le voile à l’université. Je suis contre l’interdiction. L’université est le lieu des consciences éclairées et adultes. Ce qui est intolérable dans notre société, c’est que des jeunes femmes soient obligées de porter le voile. Si on pense que c’est le cas, et c’est le cas dans certains quartiers, règle-t-on le sujet en interdisant le port du voile dans les universités ? A un endroit où elles peuvent avoir accès à un savoir, à d’autres individus qui ne les mettraient pas sous pression, on leur dirait : «Tu n’es pas la bienvenue» ? Au titre d’une laïcité revancharde, on en vient à sortir des citoyens des lieux de la République et à les confiner à l’écart, sans enrayer la montée du fondamentalisme, ni conforter la laïcité.

Jean-François Kahn : Ce que vous dites est évident, mais il y a une tendance laxiste, à gauche entre autres, qui accepte de financer des écoles loubavitch, ou des lycées musulmans…

« Demanderait-on à des catholiques d’être modérés ? Non ! »Emmanuel Macron : Bien sûr, parce qu’on a déplacé le débat politique, on est allé sur des sujets de crispation qui, comme toujours, sont des prurits. La laïcité n’a pas vocation à promouvoir une religion républicaine. La République est ce lieu magique et unique qui permet à des gens de vivre dans l’intensité de leur religion. C’est pour ça que je dénonce les considérations qui demandent à des citoyens d’être «discrets», parce que les précédents historiques où l’on a demandé la discrétion en matière de religion ne sont pas à l’honneur de la République. Et qu’on demande à des gens d’être des musulmans modérés ! Demanderait-on à des catholiques d’être modérés ? Non ! On demande à des gens de faire ce qu’ils veulent avec la religion pour eux-mêmes et d’être dans un rapport de respect absolu avec les règles de la République. Comme disait Platon, il faut découper le poulet au bon endroit !

Jean-François Kahn . : Dès lors que les musulmans acceptent que la loi républicaine passe avant la loi de Dieu, par définition, ils sont modérés. S’ils ne l’acceptent pas, ce sont des extrémistes.

Emmanuel Macron : Non, je ne suis pas d’accord. Dans le champ public, je ne leur demande qu’une seule chose : qu’ils respectent absolument les règles. Le rapport religieux renvoie à la transcendance et, dans ce rapport-là, je ne demande pas aux gens d’être modérés, ce n’est pas mon affaire. Dans sa conscience profonde, je pense qu’un catholique pratiquant peut considérer que les lois de la religion dépassent les lois de la République. Simplement, à chaque instant où il est dans le champ public, les lois de la République prévalent sur les lois religieuses. Ce n’est pas une question de modération, c’est un absolu. Le cœur de notre bataille est d’avoir des individus autonomes libres. Ils peuvent avoir besoin d’une transcendance. La République n’a pas à lutter contre la transcendance, elle a à lutter contre le non-respect de ses valeurs.

(…)


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