Né à Londres, élevé au Soudan, passant au gré de sa vie d’un pays d’Europe à l’autre, Jamal Mahjoub, auteur de sept romans de littérature « blanche », choisit en 2012 de prendre le pseudonyme de Parker Bilal qui met en exergue sa double culture britannique et soudanaise, pour se lancer dans le polar. Une œuvre dont le thème central est l’identité.
« Le roman policier a toujours été une influence pour moi. Mon premier roman était un roman « blanc », mais avec des éléments de thriller. Et dans le même temps j’étais un peu déçu par l’accueil que me réservait le milieu littéraire britannique, qui est assez fermé. Je n’entrais dans aucun groupe. J’écris en anglais, mais on me regardait comme un étranger, un écrivain africain, un élément exotique que l’on ne prenait pas au sérieux. »
La réponse de Parker Bilal, qui voit dans cette forme de rejet une remise en cause de l’identité de l’autre, est de se tourner vers ce mauvais genre qu’est le polar. « J’étais un outsider dans ce milieu et j’ai pensé que le polar serait le moyen de toucher un autre public, un public qui s’intéresse à l’intrigue et à la manière de la raconter, et de pouvoir faire passer mon message malgré tout. »
Un polar africain, donc, situé en Égypte où ses parents se sont installés après le coup d’État du général Omar Béchir soutenu par les islamistes, et que Parker Bilal à l’occasion de voir à la fois de l’extérieur, comme étranger dans ce pays, et de l’intérieur. Et tant qu’à faire, autant placer les aventures de Makana, ancien policier soudanais devenu détective privé au Caire, « une ville étonnante en termes de contrastes, d’humour, de folie, de politique… », à la fin des années 90 où l’islamisme gagne du terrain et le pouvoir se fait de plus en plus autoritaire.
« Ce que je voulais d’abord, c’était écrire une grande épopée à propos de l’Égypte. Et quand j’ai commencé, il y a eu la révolution de 2011. Je me suis dit que ce que j’allais écrire devait mener là. Le tournant, c’était le 11 septembre, puis l’invasion de l’Irak, la collision entre la pop culture américaine, l’Amérique armée, et le vieux monde du Moyen Orient et ses conséquences. Je devais donc placer les aventures de mon personnage dans cette décennie. » La dizaine de romans prévus pour cette épopée devait donc s’achever avec le sursaut démocratique… et puis 2013 est arrivée ; un terrible retour en arrière et des peuples qui paient cher leur désir de liberté.
Et dans tout cela, pour Parker Bilal il y a toujours le même sujet central : l’identité. « L’identité est le sujet majeur aujourd’hui. Tout le monde est effrayé par la diversité. Le Soudan s’est effondré pour avoir refusé la diversité. Les gens qui veulent diriger refusent cette diversité. » C’est ce qui, pour Parker Bilal, arrive aujourd’hui en Syrie où les diverses communautés pouvaient cohabiter et où aujourd’hui on assassine ceux qui ne nous ressemblent pas.
Parker Bilal, c’est ça : les codes du roman noir pour raconter le monde d’aujourd’hui dans toute sa complexité. Une œuvre ambitieuse et réussie.
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