Soupçons de financement libyen de Sarkozy en 2007 : un "petit carnet" très compromettant

La justice française a obtenu « la communication » d’un « petit carnet » rédigé par un ancien dignitaire du régime Kadhafi. Ces notes révèlent, selon Mediapart, l’existence de plusieurs « versements occultes » présumés réalisés au profit de la campagne de Nicolas Sarkozy, en 2007, pour un montant d’au moins 6,5 millions d’euros.

C’est l’histoire rocambolesque « d’un petit carnet » qui pourrait en dire long sur les soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy de 2007. La justice, qui enquête depuis avril 2013 sur le dossier, a en effet obtenu « la communication de notes manuscrites d’un ancien dignitaire du régime Kadhafi », révèle Mediapart ce mercredi 27 septembre. Celles-ci font notamment état de plusieurs « versements occultes » présumés réalisés au profit de l’ancien chef d’État français pour un montant d’au moins 6,5 millions d’euros.

Avant d’arriver aux mains du juge d’instruction parisien, Serge Tournaire, et des policiers de l’Office central de lutte contre la corruption (OCLCIFF), le carnet a fait un « long périple ». Retrouvées lors d’une perquisition aux Pays-Bas, en marge d’une vaste affaire de corruption impliquant un grand groupe norvégien, lesdites annotations, datées de 2007, corroborent d’après Mediapart la version de l’ancien chef de cabinet de l’un des fils de Mouammar Kadhafi, selon lequel les fonds ont transité par le Liban, l’Allemagne et la Suisse.

« Le carnet montre pour la première fois que des versements ont bien eu lieu », explique de fait Mediapart. Son propriétaire, Choukri Ghanem, ancien chef du gouvernement (2003-2006), ministre du pétrole libyen (2006-2011) et mêlé à l’affaire norvégienne, n’est toutefois plus là pour l’attester. Son cadavre a été découvert le 29 avril 2012 en Autriche – où l’intéressé avait trouvé refuge -, échoué dans les eaux du Danube, officiellement suite à une noyade accidentelle. Le carnet a lui été retrouvé au domicile de son gendre, aux Pays-Bas. En privé, « plusieurs proches » de Ghanem n’hésitent d’ailleurs pas à « évoquer » l’hypothèse d’un assassinat poursuit Mediapart, qui revient dans le détail sur les annotations.

Sarkozy et les convoyeurs de fonds libyens très spéciaux

Ainsi, à la date du 29 avril 2007, soit une semaine jour pour jour après le premier tour de l’élection présidentielle française, Choukri Ghanem « rédige en arabe », dans son carnet « le compte-rendu d’une réunion qu’il a tenue avec un autre cacique du régime Kadhafi, Bachir Saleh, le très influent (…) directeur de cabinet du Guide (…) et Baghdadi Mahmoudi, premier ministre libyen alors en exercice. (…) Saleh dit alors avoir transféré 1,5 million d’euros à Nicolas Sarkozy ».

Trois millions supplémentaires auraient de plus été envoyés par Saïf al-Islam Kadhafi, fils du leader, et deux autres millions par Abdallah Senoussi, chef des services secrets intérieurs libyens. « Le carnet mentionne en outre une impatience des destinataires quant à la réception physique des fonds », précise Mediapart.

Convoqué dans le cabinet du juge Tournaire, le premier de ces convoyeurs, Bachir Saleh, actuellement réfugié en Afrique du Sud, ne s’est néanmoins pas présenté devant le magistrat. « Je ne suis pas concerné par l’affaire des financements de Sarkozy, je n’ai rien à voir avec cela », a-t-il affirmé à Mediapart. Bachir Saleh, exfiltré de Libye à l’aide des officiels français, devrait sa survie à Nicolas Sarkozy.

A l’inverse, entendu devant la cour d’appel de Tunis, en Tunisie, où il a dans un premier temps pris la fuite, Baghdadi Mahmoudi a confirmé, en octobre 2011, avoir « en tant que Premier ministre » (…) « supervisé le dossier du financement de la campagne de Sarkozy depuis Tripoli ». 

En France, l’affaire vaut déjà une mise en examen pour « blanchiment de fraude fiscale », « faux » et « usage de faux » à Claude Guéant, ancien bras droit de Nicolas Sarkozy, poursuivi pour avoir perçu 500 000 euros de l’un des gestionnaires des comptes offshore de l’État libyen. C’est l’affaire dite « des tableaux ».

Nicolas Sarkozy, a quant à lui été débouté en juin dernier dans la procédure qui l’opposait depuis quatre ans à Mediapart. L’ancien président avait porté plainte contre le journal dans la foulée des premières révélations portant sur l’existence d’un document daté de 2006, signé de la main du chef des services de sécurité et du renseignement extérieur libyen. Celui-ci attestait d’un « accord portant sur le soutien à la campagne électorale du candidat aux élections présidentielles Monsieur Nicolas Sarkozy pour un montant de 50 millions d’euros »…

 

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