La police des polices saisie après la plainte d'un professeur pour violences et menaces de viol

Rentrant chez lui le 22 septembre, Guillaume Vadot, professeur à Paris I, assiste à un contrôle de police musclé à la sortie de la gare de Saint-Denis. Outré, il décide de filmer la scène, ce qui ne plaît pas aux agents sur place qui, d’après lui, le violentent et le menacent. Aujourd’hui, il a décidé de porter plainte pour « souligner ces pratiques courantes. » Ce mardi 27 septembre, l’IGPN a été saisie de l’affaire.

Ce devait n’être qu’un simple contrôle. Jeudi 22 septembre, Guillaume Vadot, enseignant à Paris I, rentre chez lui par le RER D. Arrivé à Saint-Denis, à la sortie de la gare, il entend des cris derrière les portiques. Il saisit alors son téléphone pour filmer la scène à travers les grilles de la porte de sortie. Une femme noire de 45 ans est menottée, plaquée contre un mur. Elle crie et se tord de douleur, rapporte-t-il. « Elle était contrôlée parce qu’elle n’avait pas de ticket de transport, elle ne méritait pas un tel traitement. J’ai tout de suite pensé à Adama Traoré, filmer c’était un geste citoyen« , explique t-il lors d’une conférence de presse donnée ce lundi 26 septembre à Paris avec son avocat, maître Slim Ben Achour.

Froissé de le voir filmer l’incident, un agent de la police nationale intervient. « Il m’a dit que je n’avais pas le droit de filmer dans l’enceinte de la gare ». Suivant ces recommandations, il décide de passer la grille et de poursuivre l’enregistrement vidéo depuis l’extérieur. Un autre fonctionnaire de police l’aborde alors et attrape son téléphone. « On va procéder à un contrôle d’identité », lui aurait-il annoncé. « Là, c’est le début d’une escalade », raconte-t-il les yeux humides.

Agression sexuelle et menaces de viol

L’homme de 28 ans poursuit son récit (dont l’intégralité avait été publiée par un collègue sur Facebook avant d’être supprimée par le réseau social. Une copie a cependant été mise en ligne sur un blog de Mediapart) :

 « Ils étaient deux. L’un des deux m’a attrapé en me faisant une clé de bras avant de me plaquer contre le mur. Quand je lui ai dit que j’avais mal, il m’a répondu : ‘T’as voulu jouer avec la police, on va jouer avec toi' ».

Selon lui, des attouchements au niveau des fesses se seraient ensuivis, puis des insultes homophobes ainsi qu’une mention à Daech. « L’un d’eux m’a demandé si je soutenais l’Etat islamique, comme si le simple fait d’être solidaire avec une personne racisée était une collaboration. » Puis ils l’auraient fouillé, trouvant sa carte de professeur et sa carte électorale. « A ce moment-là, en voyant que je n’étais pas encore un professeur titulaire, ils m’ont dit qu’ils allaient faire un rapport salé pour empêcher ma titularisation. » Découvrant son adresse sur l’un de ses documents, ils l’auraient même menacé de venir lui rendre visite « pour (le) violer ». Coup final : un décharge de Taser. « Alors, ça pique ? », lui auraient demandé les policiers avant de supprimer eux-mêmes soigneusement les vidéos de son téléphone et de quitter les lieux. Des enregistrements que Guillaume Vadot a tout de même réussi à récupérer et qu’il veut présenter aujourd’hui comme preuve.

Ces vidéos, que nous avons pu consulter, ne permettent pas d’entendre les menaces ou de voir l’agression décrite. Elles prennent fin trop tôt.

« Totale impunité »

S’il a longuement hésité, Guillaume Vadot a finalement décidé de saisir le Défenseur des droits et de porter plainte notamment pour abus de pouvoir, violences volontaires, agression sexuelle, menaces de viol et injures. Pour maître Slim Ben Achour, l’avocat de la victime présumée, cette démarche est rendue nécessaire par les évènements qui secouent l’actualité, citant en exemple les cas d’Adama Traoré ou du syndicaliste de Sud qui a perdu un œil lors d’une manifestation contre la loi Travail le 15 septembre dernier. « Ces pratiques violentes se développent en totale opacité et en totale impunité. Si vous n’acceptez pas de vous soumettre, vous êtes en outrage ou en rébellion. La police doit être un véritable service public, or elle ne l’est pas. » Pour son client, cette affaire doit devenir celle de toutes les violences :

« Ce qui m’est arrivé est malheureusement banal. Ça devient courant. C’est pourquoi je lance un appel à tous ceux qui ont été spectateurs de cette scène ou victimes de tels agissements. On ne peut plus laisser faire ! »

Contactée par Marianne ce lundi, la préfecture de police de Paris indique qu’un contrôle de police « a bien eu lieu ce soir-là » et que « des vérifications sont en cours pour déterminer si les faits énoncés peuvent correspondre à cette intervention« . Elle ajoute : « Si c’est le cas, la préfecture de police saisira l’IGPN pour faire la lumière sur celle-ci.« 

[EDIT, mardi 27 septembre] L’IGPN saisie de l’affaire
Contactée de nouveau ce mardi matin, la préfecture de police de Paris nous a indiqué que l’inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie du dossier Guillaume Vadot, confirmant une information de LCI.

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