Certains de ses soutiens le pressaient à sortir du gouvernement à la fin août, d’autres à la mi-septembre. Finalement, devant la faiblesse de François Hollande, Emmanuel Macron a fait le grand saut dès que l’occasion s’est présentée. Mais, pour l’instant, il préfère attendre le résultat de sa consultation auprès des Français pour annoncer ses premières propositions. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à tisser sa toile…
Le lundi 29 août, 24 heures avant sa démission du gouvernement, Emmanuel Macron était reçu par François Hollande à l’Elysée durant deux bonnes heures. Les deux hommes sont revenus ensemble sur les règles présidentielles fixées le 14 juillet : un ministre est solidaire de la ligne gouvernementale ou sinon il part. Devant le Président, Macron évoque alors de nouveau sa difficulté à porter le mouvement En Marche ! tout en étant ministre du gouvernement, mais il ne dit rien alors à son interlocuteur quant à ses intentions. On comprend mieux l’étonnement – ou même l’effarement – du Président le lendemain…
Peu après la mi-août, Macron avait pourtant confié à plusieurs élus qui le soutiennent qu’il comptait sortir vers la mi-septembre, peu avant le rassemblement des « réformateurs » autour de Gérard Collomb à Lyon (les 23 et 24 septembre y aura lieu le « colloque des réformistes européens et mondiaux »). Mais d’autres de ses soutiens, notamment l’industriel Henry Hermand, le pressait à sortir dès la fin août.
Justement, la sortie du bois de Manuel Valls lors de son discours à Colomiers le lundi 29 août, qui s’est présenté clairement à cette occasion comme un recours, a-t-elle amené Emmanuel Macron à accélérer le pas ? « Non, il n’a pas réagi par rapport à Valls, c’est plutôt le contraire, sa décision était prise quelques jours plus tôt, mais il aurait dû sortir le mercredi 1er septembre », explique aujourd’hui un soutien de Macron. Mardi 30 août, jour de sa démission effective, l’ex-ministre de Bercy a pourtant chamboulé son emploi du temps à la dernière minute…
Quoi qu’il en soit, l’ancien chouchou de François Hollande est désormais « libre ». C’est ce qu’il a expliqué de nouveau aux nombreux « jeunes avec Macron » venus l’écouter dans un bar parisien le soir du lundi 12 septembre. Dans une ambiance survoltée, façon afterwork de financiers de la City de Londres, ou club de supporters de foot, les « Macron président ! » ont fusé d’un public de fans totalement subjugués par l’ancien ministre.
« Je ferai des erreurs à coup sûr, mais nous continuerons à prendre des risques », leur a-t-il expliqué. Il leur annonce ensuite, pour la fin octobre, la présentation d’ « un plan de transformation du pays ». Car pour l’instant, Emmanuel Macron préfère ne rien proposer ou presque sur la plupart des sujets. Aucune mesure donc, plutôt de belles analyses sur le rôle de l’Etat, le rapport au marché, la laïcité, comme il a pu le faire la semaine dernière au 1, l’hebdo financé par son grand soutien Henry Hermand, ou lors de ces différentes interventions médiatiques, de France Inter à TF1.
Car Macron joue la montre, et… les sondages. Bénéficiant d’un matelas confortable de bonnes appréciations dans les enquêtes d’opinion, il veut surtout laisser insinuer l’idée dans la tête des Français, et notamment dans celles des sympathisants socialistes, qu’il reste la meilleure carte à jouer face à la droite. Dans ces conditions, pas question pour lui de cliver sa bonne image par des propositions trop tranchées, lui qui assure pourtant vouloir « renverser la donne ». Ayant rallié François Hollande dès 2010 lors des primaires citoyennes, il se souvient que celui-ci s’est d’abord imposé par les sondages auprès des sympathisants et militants socialistes, convaincus alors qu’il était la meilleure arme contre Sarkozy.
Depuis plusieurs mois, des groupes de travail thématiques se sont pourtant mis en place autour de lui, « pour lui donner des biscuits dans le cadre de la future campagne », confie l’un de ses soutiens. D’ailleurs, aux « jeunes avec Macron », l’intéressé l’annonce : « Nous sortirons, progressivement, sur chacun des grands sujets ».
En attendant, il compte multiplier les déplacements au quatre coins du pays, tout en structurant son mouvement En Marche ! Rassemblant aujourd’hui 75 000 adhérents (à titre gratuit, précisons-le), il constitue, selon lui, « l’un des principaux partis politiques français ». Ajoutant : « Nous pouvons peser, mais nous devons dépasser ce chiffre ». Présent dans 200 villes, En Marche ! dispose également de 60 référents universitaires. Mais c’est aujourd’hui surtout du côté des élus que Macron concentre ses efforts, pour tisser les fils d’une éventuelle future « majorité d’idées » qu’il a toujours appelé de ses vœux. Là encore, il compte « renverser la donne », « en arrivant à convaincre des maires, députés, présidents d’exécutifs locaux ». « Tant d’élus qui ont envie comme nous de faire bouger les choses », ajoute-t-il. Justement, mercredi dernier, il recevait pas moins de 43 parlementaires socialistes et radicaux de gauche au Sénat. Une expérience qu’il va renouveler dans les prochaines semaines.
Côté baronnies locales, après Gérard Collomb, maire de Lyon, c’est au tour de Jean-Michel Baylet, pourtant ministre de François Hollande, de se trouver « charmé » par le jeune Macron. L’ancien patron du PRG, dont la famille est propriétaire du groupe de presse La Dépêche du Midi, le verrait bien devenir maire de Toulouse. Mais l’ancien ministre de l’Economie multiplie aussi les contacts avec des élus de l’UDI et du Modem, au grand dam de François Bayrou, de plus en plus contrarié par les ambitions de celui qui apparaît comme son plus grand rival.
Au-delà des élus, l’équipe d’Emmanuel Macron s’intéresse aussi aux réseaux de hauts fonctionnaires dans l’appareil d’Etat. Et si leur champion, énarque et inspecteur des finances, dispose de sérieux relais au sein de l’administration de Bercy, à Bruxelles, ou dans les capitales européennes, il pêche au niveau des ministères régaliens, pourtant hautement stratégiques, que sont la Défense et l’Intérieur. Deux ministères tenus par des proches de François Hollande, Jean-Yves Le Drian, et Bernard Cazeneuve. Et place Beauveau, deux autres de ses rivaux, Manuel Valls et Nicolas Sarkozy, tous deux anciens ministres de l’Intérieur, bénéficient également de nombreux contacts. C’est pour cette raison que l’équipe de Macron multiplie les sollicitations auprès des hauts fonctionnaires de ces ministères. Parfois, sans succès : c’est ainsi que l’ancien patron de la gendarmerie, Denis Favier, en partance pour le groupe Total, a refusé poliment tout contact.
Autant dire que la route est encore longue pour Emmanuel Macron, alors que tous ses rivaux, en premier lieu François Hollande, vont user de tous les moyens pour lui barrer la route. D’où la prudence de l’impétrant qui préfère jouer de l’ironie devant ses jeunes troupes qui le pressent à présenter sa candidature à la présidence de la République : « Il n’y a pas de journaliste dans la salle, mais pourquoi a-t-on lancé tout ça ? ». Ajoutant immédiatement : « Je ne sais pas où cela nous mènera ».
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